Ecole de Nice ! Exposition collective
Galerie Alexandre de La Salle
5766, Chemin des Trious
06570 Saint-Paul-de-Vence
France
Avec l'Ecole de Nice "!", Alexandre de La Salle confie à Pierre Restany le soin de poursuivre le jeu de ponctuation autour du groupe d'artistes installés dans le Sud de la France.
"Dix ans se sont passés depuis que j'ai préfacé chez Alexandre de la Salle, alors à Vence, l'exposition
"ECOLE DE NICE?": parmi les invités, Alocco, Arman, Ben, César, Chubac, Farhi, Gilli, Yves Klein, Malaval, Raysse,Venet, Verdet, Viallat. Choix personnel d'Alexandre de la Salle, éclectique et heureux, repris à juste titre en 1977.
Ce qui comptait dans mon texte de 1967 c'était le point d'interrogation. La réponse ou quelque chose comme la caricature d'une réponse, a été donnée récemment par Ben qui a présenté l'argument « A propos de Nice» du 31 janvier au 11 avril 1977 au Centre National d'Art et de Culture Georges Pompidou. L'Ecole de Nice en programmation inaugurale à Beaubourg : Paris fait semblant de consacrer son existence, et le point d'interrogation se change en point d'exclamation !
Un point d'exclamation qui marque la dimension respiratoire du phénomène. Nice fonctionne comme un soupir-relais dans le système d'inspi-ration/expiration parisien. Ce phénomène respiratoire a débuté avec le souvenir mythique d'Yves Klein, l'inlassable énergie d'Arman, la flambée de gloire de Martial Raysse. Arman et la section nicoise du Nouveau Réalisme ont fixé sur la Côte d'Azur un fort appel d'air moderniste. Ben y a introduit le courant Fluxus, vite enrichi de 1965 à 1968 d'un appendice en forme de cédille qui sourit. Autour du 32 rue Tondutti de l'Escarène se sont polarisés quelques écarts de comportement dont les éclats les plus sonores furent signés Pinoncelli ou Serge III Oldenbourg.
Seul fait notable de la décennie 1967-1977, à part l'inepte jumelage Nice-Le Cap en 1974, l'influx imaginatif s'est transféré à l'autre bout de la rue de l'Escarène, où se trouvait l'ancienne Ecole des Arts Décoratifs. Les élèves de Viallat en 1964, Chacallis, Charvolen, Isnard, Maccaferri, Miguel se retrouveront six ans après pour fonder le groupe 70 dont la présence dans l'actuelle exposition d'Alexandre de la Salle constitue l'ajout majeur par rapport à la manifestation de 1967 - Chacallis et Isnard quitteront le groupe en 1973 - le nouveau panorama étant complété par Dolla, Flexner et Pinoncelli.
L'extension Escarène-Arts déco s'organise autour de Viallat qui vit et enseigne à Nice entre 1964 et 1967. Viallat c'est aussi Dezeuze, Saytour, des tas de palabres et le jaillissement au singulier et au pluriel de « Support-Surface», une aventure née en 1966 et marquée en 1970 par la scission Cane-Devade. En fait tout se résume en dix ans à un parcours de 200 mètres dans la rue de l'Escarène. Toute l'Ecole de Nice dans l'histoire d'une rue. Ruelle affluente l'Ecole de Nice serait à l'Ecole de Paris ce que la rue Vavin est à l'Ecole de Montparnasse ou la rue Saint-Benoît à l'Ecole de Saint-Germain-des-Prés: en le manipulant à Beaubourg, le pouvoir parisien a magistralement digéré le petit os niçois.
La Côte d'Azur vit aujourd'hui dans la perspective floue d'une décentralisation culturelle reposant sur un marché local de l'art: ce qui n'est ni tout à fait vrai ni tout à fait faux, à mi-chemin entre le mythe et la réalité. Une Nice super-occitane serait-elle plus vivace? Cela reste à démontrer. Pour l'instant toute l'ambiguïté du ferment localiste demeure et Nice est là pour affirmer que dans le Midi il se passe quelque chose de plus qu'à Lille et à Brest ; pour affirmer aussi que le Midi de Nice n'est pas le Midi de Marseille.
Avec quelques collègues dans le domaine de l'art contemporain, Alexandre de la Salle est là pour nous le rappeler. Et ce rappel à l'ordre relatif des choses, à la limite fluctuante de la réalité, s'incarne dans le point d'exclamation. Ouf, pourvu que ça dure, ce soupir d'ail dans l'air de Paris! Quel signe symbolique nous réserve en 1987 la ponctuation de l'histoire nicoise ?
Pierre Restany, Août 1977.