BIOGRAPHIEAuguste Rodin
François Auguste Rodin est LE grand sculpteur du 19e siècle. De son vivant, sa présence est telle qu'elle en a éclipsé la plupart de ses contemporains, à l'exception peut-être de Jules Dalou.
Son succès est tel encore aujourd'hui que son seul nom est devenu, par métonymie, l'incarnation du mot Sculpteur. Ils sont des milliers à se presser dans les musées Rodin, en France mais aussi en Corée, attestant ainsi de la vitalité de son souvenir et de l'universalité de son travail.
Véritable chaînon manquant entre Naturalisme et Abstraction, il était tout à fait naturel de consacrer le premier opus de cette collection d'artistes sur le chemin de la Modernité à la Mémoire de l'oeuvre de Rodin. Rodin est, en effet, le premier à introduire la force figée et la tension des sentiments dans une oeuvre sculptée. Il est aussi le premier à revendiquer la notion d'oeuvre non achevée, fragmentée ou parcellaire, et où le socle est parfois aussi important que la sculpture elle-même. Rodin, du haut de son mètre soixante-trois, déstabilise toutes les conceptions artistiques de la fin du 19e siècle et du 20e siècle naissant...
Mais Rodin, c'est aussi et surtout les tourments de l'homme... Une oeuvre figée entre une passion pour les femmes et son obsession pour l'Enfer de Dante, dont on sait qu'il conservait précieusement et annotait un exemplaire. La femme de sa vie, c’est d’abord Rose Beuret, celle qu’il épousera au soir de sa vie. C’est aussi la muse inspiratrice Camille Claudel, Gwen John, la Duchesse de Choiseul, Jeanne Bardey. Mais ce sont aussi cette foule de modèles, représentées, impudiques, en train de se caresser ou de se livrer à des plaisirs saphiques.
Les dessins de Rodin, croqués en secret, sont les témoins d'une vie d'atelier plus proche de celle d'un lupanar que d'un lieu d'étude. La confession d’Isidora Duncan, âgée de 22 ans refusant les assauts du maître, illustre assez bien le caractère fougueux du sexagénaire :
« En faisant cela, il respirait très fort, écrit Isadora dans ses Mémoires. Il me regardait, les paupières à demi baissées, les yeux étincelants et, avec l'expression qu'il avait devant ses oeuvres, il s'est approché de moi. [...] Il a commencé à pétrir mon corps comme de la glaise tandis qu'il se dégageait de lui une chaleur qui me brûlait et me fondait. Je n'avais qu'un désir : lui abandonner tout mon être et je l'aurais fait si, par la faute de mon éducation absurde, je n'avais pas pris peur et ne m'étais reculée. J'ai jeté ma robe par-dessus ma tunique et je l'ai renvoyé tout déconcerté. Quel dommage! Combien de fois j'ai regretté cette incompréhension enfantine qui m'a fait perdre la divine chance de livrer ma virginité au grand dieu Pan lui-même ! »
Voici donc Rodin transformé en dieu païen de la Nature, mi-homme mi-bête... et Isadora Duncan en Syrinx...