Tableaux-happenings - 1963
Principaux participants: Robert Filliou, Jacques Gabriel, Jean-Jacques Lebel, Marta Minujin, Erró, Daniel Pommereulle, Emmett Williams.
Les manifestations suivantes se sont déroulées au même endroit, les 5, 12 et 19 juin 1963:
Comptoir de Robert Filliou et Emmett Williams (co-inventeurs du Spaghetti Sandwich obtenu en superposant deux feuilles de papier à écrire entre lesquelles ils posaient des spaghettis préalablement trempés dans une peinture fluorescente rose), Lyricol de Jacques Gabriel, Le Coq de Martha Minujin et Daniel Pommereulle.
Tableaux-happenings consiste en un ensemble d'interventions brèves, «instantanés d'action», se déroulant de façon spontanée dans l'espace de la galerie où étaient exposées les œuvres réalisées spécialement pour servir de « contexte» à l'action: masques, sculptures, tableaux-happenings, objets divers... Ces tableaux-happenings étaient de dimensions assez grandes (environ deux mètres de haut sur un mètre de large), réalisés à partir de collages, dessins, peinture, textes, coupures de presse, lettres d'amis, le tout formant une sorte de journal de bord. Sans souci de composition ou de recherche dans le choix des couleurs, ils étaient bricolés selon le principe du free jazz et de l'immédiateté, constituant un reportage instantané sur ce qui était en train d'être vécu par les artistes. Ces «tableaux-actions» placés au fond de la galerie en cachaient les ouvertures, les colonnes et tout ce qui dérangeait la neutralité d'un espace entièrement vide. Le déroulement du happening était un continuum qui allait de la réalisation véloce de ces tableaux, à leur placement dans la galerie, jusqu'aux autres actions ultra-rapides, qui relevaient du micro-évènement. Par exemple, Jean-Jacques Lebel se coordonnait avec Erró pour allumer et éteindre rapidement les lumières, provoquant des clignotements aveuglants. Perturber la vision du public et l'accueillir dans un espace psychique hors cadre, sans points de repère, était un des objectifs majeurs du happening.
Cet objectif sera atteint avec le happening 120 minutes dédiées au Divin Marquis en 1966. mais ce souci était déjà très présent en 1963, date à laquelle Lebel se livra, par l'entremise du docteur René Robert - ami d'Henri Michaux - à des expériences décisives à base de psilocybine, un puissant hallucinogène. Philippe Hiquily, Daniel Pommereulle firent de même. La thèse du docteur Robert - « extrêmement décevante par son parti pris pseudo-scientifique et son esprit primaire», selon Jean-Jacques Lebel - est restée inédite et les passages concernant les protocoles de Lebel, Hiquily et Pommereulle sont d'un grand comique involontaire. D'autres expériences, plus probantes, furent vécues, avec Frédéric Pardo notamment à base de LSD et de peyotl.