Keith Haring, Photographie de Philip Hugues Bonan

Keith Haring

Keith Haring, né en 1958 et décédé en 1990, était un artiste américain emblématique du pop art et du street art. Connu pour ses dessins aux lignes simples et ses personnages colorés, souvent porteurs de messages sociaux et politiques, Haring a marqué l'art contemporain par son style accessible et engagé, touchant des sujets tels que l'amour, la guerre, et la lutte contre le SIDA.

 

 

 

La rencontre entre Keith Haring et Philipp Hugues Bonan.

J’ai rencontré Keith Haring par un hasard. En 1989, je n’avais pas encore entendu parler de lui. Il était pourtant une star aux États Unis. Il était avec Warhol et Basquiat la star de New York. En France, on ne le connaissait pas. Il faisait des expositions mais était connu seulement d’un petit milieu proche de Jean-Charles de Castelbajac.


C’est quelques mois après sa mort, à la diffusion d’une émission d’une heure qui lui était consacrée sur Canal +, que j’ai vraiment réalisé la chance que j’avais eue de pouvoir le photographier.


Je venais d’arriver à Paris. Je n’avais pas d’appartement et mon cousin me laissait le sien, un tout petit appartement au 26 rue de Cotte.  Sur le même pallier habitait également un gars très branché,  Ludovic L. Il portait des blousons de cuir avec des têtes de mort. Il avait une Harley et il y avait chez lui un défilé permanent de top modèles. Un jour, je suis allé frapper à sa porte et, dans le fil de la conversation, je lui ai montré mes photos de Zao Wou-Ki et de Jean Messagier. A un moment, il m’a dit : « Tu sais, moi, j'ai un copain peintre, je peux te le faire photographier, si ça te dit". Et là dessus, il me dit, attention, « ça va être la plus grande star que tu auras jamais photographiée ».


Cette scène s’était déroulée en février ou mars 1989 et rendez-vous était pris pour le mois de juin suivant où Haring devait  peindre un ballon dirigeable dans un hangar avec le peintre Erik Boulatov. La veille du jour J, ne sachant pas si la séance aurait lieu, j’ai frappé à la porte de Ludo. J’y ai rencontré la galeriste new yorkaise de de l’artiste qui a regardé mes photos et a dit: « Ok ok… »


Le lendemain, j’étais sur les lieux. Mais je n’étais pas seul.  Il y avait d’autres journalistes, des photographes. J’ai senti qu’ils se moquaient de moi parce que j’avais un vieux Rolleiflex des années 50 quand eux avaient des appareils modernes. Quand Keith Haring  est arrivé,  j'ai senti que c'était important parce qu'il était entouré par deux gars. Il était grand et charismatique. Et je me suis dit : "wow, ce gars là, il ne vient pas tout seul". J’ai attendu mon tour.  Mon voisin Ludo était là. Il me présente à lui. J'avais une boîte de photos. J’y avais mis un très beau portrait de Jean Miotte et une quinzaine de tirages 30-40. Je lui ai montré et il m'a dit je me débarrasse des photographes de presse et on aura plus de temps. Et là, il fait quelques petites photos, clic, clic, clic au flash avec tous les photographes.


Il est ensuite venu vers moi et je crois qu’il a posé, je ne sais pas,  au moins 20-25 minutes pour moi.  Après que j'ai fini mes photos, les autres journalistes sont venus me voir. T'es qui toi d'abord ? Tu travailles pour quelle agence ? Ils étaient un peu jaloux.

Ces photos sont devenues iconiques. Il y en a une également où il met son pouce sous le menton. C'est assez unique. J'avoue qu'on ne réussit pas beaucoup de photos dans sa vie, mais celle-ci, je crois que je l'ai réussie.

 

 

© Philipp Hugues Bonan photographe