Philipp Hugues Bonan photographe, portrait de Erró

Erró

Erró, né Guðmundur Guðmundsson en 1932 en Islande, est un artiste emblématique du pop art européen. Connu pour ses peintures et collages colorés, il mélange des images issues de la culture populaire, de la politique, de la publicité et des comics pour créer des œuvres dynamiques et satiriques. Son travail, à la fois critique et ludique, explore les excès de la société de consommation et les contradictions de la culture moderne.

 

Les rencontres entre le peintre Erró et Philipp Hugues Bonan


Alors Erró, première rencontre, déjà première fois que je vois un tableau de lui, c'est chez Marcel Strouk alors que sa galerie se trouvait juste en face de Beaubourg rue Saint-Merri. Les premiers tableaux que j'ai vus de Erró, c'est dans cette galerie, dans la galerie de Marcel Strouk, dont j'étais très très proche quand j'étais jeune, je les voyais très très souvent. J'étais très proche de Stéphane, le frère de Laurent, donc Strouk, qui lui est parti par la suite aux Etats-Unis.

 

Mais il faut savoir qu'à l'époque, c'est Stéphane qui gardait la galerie tous les jours, qui était un peu le pilier de la galerie. Donc, premier tableau que je découvre de Erró, c'est à cette galerie. Et par la suite, bien sûr, grâce à Marcel, j'ai découvert l'art de la figuration narrative, parce que c'était des artistes dont il s'occupait et dont il était très proche, que ce soit Peter Klasen, que ce soit Segui, que ce soit Fromanger, que ce soit Adami.

 

C'est quelqu'un qui m'a ouvert les portes de cette mouvance artistique. Et j'avoue que j'ai mis beaucoup de temps à, pas à comprendre, mais à rentrer dans la vibration de la figuration narrative, parce qu'ayant eu une éducation de l'art abstrait de par mon père, qui collectionnait les peintres d'art abstrait, pour moi, c'était nouveau. C'était du figuratif, c'était des super-héros, c'était Schlosser aussi.

 

J'ai mis beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps, même peut-être des années à vibrer comme je le vis. Je vibre aujourd'hui pour ces artistes-là. Erró, première rencontre, c'est quand même assez magique parce qu'un ami de Marcel, Pierre Bibas, avait ouvert le restaurant Fouquet's à Bastille et il avait envie d'organiser une méga soirée.

 

Et pour ça, grâce à Marcel, il m'avait commandé une vingtaine de tirages, 25, je crois, de tous les artistes que j'avais photographiés, déjà. Et il m'a acheté les photos. C'est ma première très grosse commande et il a tout encadré et il a fait une soirée.

 

Et cette soirée-là, j'ai rencontré tout le monde en même temps. J'ai rencontré Erró, j'ai rencontré, il y avait Ricky Lee, je sais qu'ils étaient tous ensemble à fumer des cigares. Il y avait Erró, il y avait Ricky Lee, il y avait, il y avait Peter, bien sûr, Peter Klasen.

 

Enfin, voilà, ils étaient toute une bande et c'est vrai que c'était des personnalités un peu imposantes, grosses, grosses personnalités. Et de par cette soirée, j'ai commencé à prendre des petits bouts de téléphone, des petits bouts de papier avec les téléphones et pour prendre des rendez-vous et faire les photos de ces artistes-là, dont Erró. Et j'avoue que Erró, c'est quelqu'un qui est très intimidant et j'ai été intimidé et je crois que j'ai été intimidé à chaque fois que je suis allé le voir.

 

Je l'ai vu beaucoup de fois quand même, je suis allé sur 30 ans, j'ai dû peut-être aller une dizaine de fois dans son atelier et à chaque fois, c'était différent. À chaque fois, je prenais des photos et on avait un rapport assez intime. Je l'ai présenté à Speedy Graffito quand même, qui ne connaissait pas.

 

Il voulait le rencontrer et j'ai organisé un rendez-vous. Il nous a invités par la suite à dîner. On avait dîné tous les trois.

 

C'était assez intense. Et voilà, je l'ai présenté à un artiste aussi qui s'appelle Benjamin Spark et ils sont devenus très amis tous les deux. Donc voilà, pour finir, en 2010, un réalisateur, Guillermo Grassi, 2009, a fait un film sur moi et j'avais imposé Erró.

 

J'avais dit il faut qu'on aille filmer Erró dans son atelier et au début, ça n'a pas été évident qu'il accepte tout de suite. Mais une fois qu'on était là, d'ailleurs, ça a été filmé, il nous dit je ne regrette pas du tout de vous avoir invité. Vous êtes tous très sympathiques.

 

Et pour la petite histoire, dans le film, Erró raconte que pour moi, j'étais un ami. Pour lui, j'étais un ami à lui, dans la manière où je l'avais croisé un millier de fois dans les années précédentes. Et donc, il me considérait comme un ami et ça, c'était assez touchant.

© Philipp Hugues Bonan photographe