BIOGRAPHIEHenri Hayden
Henryk Hajden-Wursel, naît le 24 décembre 1883 à Varsovie dans une famille de négociants aisés, soucieuse d’apporter à ses enfants la meilleure éducation. Très tôt, le jeune Henryk maîtrise non seulement le polonais mais le français, l’anglais et l’allemand.
Afin de respecter la volonté de ses parents, après ses études supérieures, il entre, en 1904, à l’école polytechnique de Varsovie ; mais il s’inscrit en parallèle, dès sa réouverture le 19 mars 1904, à l’Académie des beaux-arts dirigée par Kazimierz Stabrowski (1869-1929). Il entre dans l’atelier de Konrad Krzyzanowski (1872-1922). Les deux enseignants sont proches par leur connaissance de l’art européen et des méthodes d’enseignement non traditionnelles. Ainsi Konrad Krzyzanowski initie-t-il ses élèves au paysage lors de séjours sur site par des séances de cours, et pratique-t-il directement sur le motif. Ce goût et cet apprentissage à la lecture du paysage, la technique (peu de matière), et la composition (mise à plat de la perspective) de son professeur, ont dû marquer le jeune Hayden.
Celui-ci choisit de poursuivre son enseignement artistique à Paris où il arrive en 1907. Grâce à l’aide financière de sa famille, il occupe un atelier Boulevard Saint-Michel et suit les cours de Charles Guérin et Georges Desvallières à La Palette (1908). Il se réfère dans un premier temps à Gauguin, il découvre la Bretagne, notamment Pont-Aven où il séjourne régulièrement, et où il retrouve, à partir de 1910, Wladyslaw Slewinski (1856-1918), peintre polonais installé à Pont-Aven puis à Doëlan. Mais la mer ne sera jamais l’élément privilégié de l’art de Hayden.
Pour la première fois, en 1909, il participe au Salon d’Automne, avec l’envoi de deux œuvres. Pour la première fois, il francise son nom. II fait la connaissance du critique d’art André Salmon qui, en 1912, préface le catalogue de sa première exposition personnelle organisée par la galerie Druet.
Ces années 1912-1913 marquent un tournant dans la vie et la carrière d’Henri Hayden. Il emménage dans un appartement situé 40, rue Denfert-Rochereau et participe à la vie de Montparnasse. À la Rotonde, il rencontre Kisling et Modigliani. Ces années sont très marquées de l’empreinte cézannienne qui le mènera jusqu’au Cubisme, (disparition de la perspective, mise à plat et géométrisation des volumes).
Il expose en 1914, au Salon des indépendants, une grande toile intitulée Les Joueurs d’échecs, synthèse de cette période.
Il s’engage alors aux côtés du galeriste Charles Malpel chez qui il retrouve Roger de La Fresnaye et André Lhote. Il se lie d’amitié avec Juan Gris. Ils auront tous deux la même approche du Cubisme, simplifiant au maximum la scène de l’œuvre, éloignant les objets inutiles pour ne conserver que la relation à l’espace recomposé.
En raison de la guerre, les parents d’Henri Hayden ne peuvent plus lui faire parvenir de subsides.
Recommandé par Juan Gris et Jacques Lipchitz, il signe en 1915 un contrat d’exclusivité avec la galerie de L’Effort Moderne que dirige Léonce Rosenberg, ardent défenseur des cubistes, ce qui lui permet de retrouver un équilibre financier.
Passionné de musique, certainement grâce à son arrivée dans cette galerie, il fréquente Jean Cocteau et le « Groupe des Six » qui s’y produit. Il illustre pour Érik Satie le programme de la première audition des Trois morceaux en forme de poire.
Il fréquente alors Matisse, Max Jacob, Severini, Picasso, Jean Metzinger. Il ne se mêle pas assidument au milieu polonais parisien mais se rapproche de Simon Mondzain (Szamaj Mondszajn), comme lui peu disert, discret, observateur et se mettant un peu en retrait du monde. Sa signature autographe figure sur l’un des feuillets signés par les convives du banquet mémorable donné le 31 décembre 1916 en l’honneur d’Apollinaire à l’Ancien Palais d’Orléans de l’avenue du Maine.
En 1919, il peint le célèbre tableau Les Trois musiciens (aujourd’hui conservé au musée national d’Art moderne) qu’il présente au Salon des indépendants de l’année suivante. Il expose régulièrement et ses œuvres trouvent leur public.
Cependant, en 1922, il a la sensation d’être arrivé au bout de sa réflexion et ressent comme un assèchement du regard ou du désir de traduire sensitivement son sujet. Il rompt brutalement avec le Cubisme et, de ce fait, avec Léonce Rosenberg qui ne lui pardonnera pas cet « abandon ».
Cette décision fut courageuse de la part de cet homme profondément honnête, dont l’existence fut marquée par une grande exigence envers lui-même. Elle ne fut pas toujours comprise, à commencer par Léonce Rosenberg qui cassa la cote des œuvres de Hayden, en jetant sur le marché ses œuvres en grand nombre.
L’artiste renoue alors avec le paysage figuratif et le portrait. Il effectue plusieurs séjours dans le Sud, à Cassis, Sanary et Toulon. Sa production conserve encore certains stigmates des œuvres cubistes, dont il s’éloigne vite. Il semble reprendre alors toute sa réflexion depuis le début, cherchant une expression plus frémissante.
Le milieu artistique parisien est, entre 1920 et 1925, un creuset débordant d’expressions les plus diverses. L’une d’elles s’inscrit sous le parrainage d’André Derain et de la peinture de paysage issue du pleinairisme de Corot et du réalisme de Courbet tout à la fois. Henri Hayden s’aventure dans une recherche hésitante, empreinte de sensualité et où la gamme chromatique s’enrichit. Il faudra cependant attendre le milieu des années trente pour que les amateurs s’intéressent de nouveau à la production de Hayden.
En 1929, il peint dans le Lot et rencontre celle qui deviendra sa seconde épouse, Josette Géraud. Le couple s’installe dans l’atelier du 125 Boulevard Raspail, au 7e étage.
Durant l’été 1938, ils séjournent dans le Cotentin et font la connaissance des « Benardi », amateurs, collectionneurs et mécènes qui s’entourent d’artistes dans leur maison de Cherbourg. Hayden y rencontre Savin et Pikelny avec lesquels il se lie d’amitié. Il travaillera beaucoup dans cette région et y reviendra après la guerre. Ces voyages donneront lieu à un album de six lithographies en couleur édité en 1948.
Mais la Seconde Guerre mondiale est déclarée. Josette et Henri Hayden doivent quitter l’atelier parisien. Ils retrouvent le couple Delaunay en Auvergne puis regagnent Mougins. Lorsque l’armée allemande franchit la ligne de démarcation en 1943, de nouveau le couple fait ses maigres bagages : une valise, un rouleau de toile, le chat Roum et arrive, par l’entremise d’amis, à Roussillon d’Apt dans le Vaucluse. Cette position à l’intérieur des terres, loin des axes de circulation, limite la présence de l’armée allemande. Là, ils font la connaissance du couple Beckett, réfugié lui aussi.
Dès 1940, Beckett s’était engagé dans la résistance et fut recruté dans le réseau « Gloria SMH », formé d’intellectuels, de cadres et d’artistes, et lié à l’Intelligence britannique. Le réseau tombe en août 1942, mais Samuel Beckett et sa compagne, Suzanne Dechevaux-Dumesnil, échappent à l’arrestation et trouvent refuge en zone libre, à Roussillon.
Les deux hommes se lient d’amitié. Hayden peint, Beckett travaille aux champs pour gagner quelque argent. Le soir, ils jouent souvent aux échecs.
Les Beckett rentrent à Paris les premiers et trouvent l’atelier de Hayden pillé. Plus de soixante toiles envolées. Hayden reprend les pinceaux et expose dès 1945 au Salon des Tuileries.
Insensiblement se dégagent les fondements d’un art renouvelé.
Mais c’est la découverte des paysages de la Marne qui va conforter cet élan, suscitant d’une part la synthèse de la forme jusqu’à la presque abstraction, et d’autre part la libération de la couleur.
En effet, à la suite de Samuel Beckett qui, depuis 1948, se retire pour travailler au calme, à Ussy-sur-Marne, dans un logement loué rue Dehors, les Hayden découvrent la Brie et, à compter de 1951, y passent trois mois l’été. Il y fait l'acquisition d’une maison de bourg à Reuil en Brie et y installe un atelier permanent.
C’est à cette période également que les liens qu’il a entretenus avec le jeune artiste Pierre Célice, auquel il a prodigué ses conseils, se soudent. À la mort de son mari, Josette lui confiera le soin de veiller sur l’œuvre d’Henri Hayden.