Jacqueline Bouvet et Jean Lerat ont vécu en symbiose pendant 39 ans pour créer des céramiques à chaque fois nouvelles. Jacqueline a apporté son ouverture sur le monde et sa passion pour les idées, la modernité et la création.
Elle a su communiquer pour deux. Jean a apporté sa maîtrise de la sculpture et une grande culture artistique classique. Il lui a apporté le calme. Jacqueline a rassuré Jean vis-à-vis de sa santé difficile. Jean lui a fourni un environnement technique maîtrisé porteur d’innovations.
Leur travail a été conduit en parallèle avec par moment quelques anastomoses par exemple lors de la création de nouveaux émaux ou à l’occasion des cuissons où leur pièces étaient mélangées. A partir de 1947, leur production a été mise en commun et jusqu’à la mort de Jean la très grande majorité des pièces de l’un et de l’autre ont été signées JJLERAT. Cette confusion volontaire a brouillé les cartes pour ceux qui les connaissaient de loin. Cela a été accru par la présentation de leurs pièces dans les expositions où jamais aucune indication de leur origine n’était donnée. Les pièces de Jacqueline donnent un sentiment de plus de spontanéité. Celles de Jean sont plus construites et souvent une pointe d’humour les anime. Jean a des domaines personnels, celui des animaux stylisés ou de scènes animées tel que les cyclistes. Jacqueline ce sont les maternités.
Le développement de pièces plus abstraites est lié à une démarche commune que Jacqueline a poursuivie seule pendant 17 années.
1913. Jean Lerat naît à Bourges (Cher), le 1er janvier 1913. Son père, Jean, est menuisier. Son atelier est installé au 32, rue Jean-Jacques Rousseau. Durant son enfance, Jean a passé beaucoup de temps auprès de son père dans son atelier de menuiserie. Les meubles sont des compagnons, solides et silencieux et il y a toujours quelque chose à faire avec des bouts de bois. Sa mère Jeanne Douet est issue d’une famille d’éleveurs et d’ébénistes de la région de Nérondes et de Jouet sur l’Aubois (Cher).
Il est baptisé le 10 août 1913. Il fait sa communion le 10 mai 1925 et sa confirmation le 8 juin 1925. Le certificat a été signé L Martinat curé de Saint Pierre le Guillard, chanoine honoraire.
1926 – Jean Lerat obtient son certificat d’étude à l’école primaire d’Auron.
1927 - Jean Lerat rentre comme apprenti à l’Ecole nationale des Arts appliqués à l’industrie de Bourges (ministère de l’instruction publique et des Beaux-Arts, sous secrétariat d’Etat de l’enseignement technique et des Beaux-Arts). L’école dispense un enseignement gratuit. Il s’agit de cours professionnels techniques et pratiques, tous les jours de 8h à 11h ½ et de 13h ½ à 17h. La durée de l’apprentissage est de 3 ans.
Il y a des ateliers du fer, du bois, de sculpture sur bois ou sur pierre, de stéréotomie, de céramique (Etude de la forme et du décor), de reliure, d’architecture, de peinture décorative et d’art appliqué.
Des cours de perfectionnement obligatoires sont dispensés tous les jours de 18h à 20h. Les meilleurs apprentis reçoivent mensuellement des primes importantes en espèces variables avec la moyenne des notes obtenues. L’Ecole assure le placement des élèves en fin d’apprentissage.
1927 - (11 juillet. Année scolaire 1927-1928), Jean Lerat obtient le 1er prix de composition décorative, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole. C’est la première année d’apprentissage de Jean Lerat à l’Ecole des Beaux-Arts. Il a 14 ans.
1928 - (8 juillet. Année scolaire 1927-1928) Jean Lerat obtient le 1er prix de composition décorative, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole, la 1ere mention de dessin et de peinture, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole et le 1er prix de sculpture et de modelage, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole. Jean Lerat est très remarqué à l’Ecole des Beaux-Arts. Il a 15 ans et déjà il montre ses capacités dans les domaines qu’il développera toute sa vie. Noël Feuerstein a déjà rejoint l’Ecole d’Art de Bourges. Noël Feuerstein, sculpteur reconnu vient d’être nommé professeur à l’Ecole. Il devient le mentor de Jean Lerat et lui donnera accès à la culture classique.
1929 - (7 juillet). Exposition Régionale du travail (Les meilleurs ouvriers de France). Jean Lerat obtient le prix de 30 francs à l’occasion de l’exposition aux Beaux-Arts décerné par A. Bernard, président du jury et Magdelenat, président de la 19éme région économique.
1930 - (13 juillet. Année scolaire 1929-1930, Jean Lerat obtient le prix de composition décorative (4e année) et le prix de dessin et de peinture (cours supérieur), délivrés par Duneufgermain, directeur de l’Ecole.
1930 - (13 juillet). Exposition Régionale du travail (Les meilleurs ouvriers de France). Jean Lerat obtient le premier prix de sculpture décerné par A. Bernard, président du jury et Magdelenat, président de la 19éme région économique.
1931 - (5 juillet. Année scolaire 1930-1931), Jean Lerat obtient le grand prix de dessin et d’ornement et de figure et le prix spécial de composition décorative, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole.
1931 - (5 juillet). Exposition Régionale du travail (Les meilleurs ouvriers de France). Jean Lerat obtient le premier prix de sculpture décerné par A. Bernard, président du jury et Magdelenat, président de la 19éme région économique.
1931 – Jean Lerat reçoit des soins à Paris pour la scoliose qui déforme sa colonne vertébrale.
1932 - (10 juillet. Année scolaire 1931-1932), Jean Lerat obtient le prix spécial de composition décorative, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole.
1932 - (10 juillet). Exposition Régionale du travail (Les meilleurs ouvriers de France, 1er concours régional de menuiserie d’art). Jean Lerat obtient la 3éme prime de 60 francs, pour le 1er concours régional de céramique) les 6éme prime de 50 francs, 4éme prime de 30 francs, 4éme prime de 100 francs et le premier prix de 50 francs (sculpture) décernés par A. Bernard, président du jury et Magdalena, président de la 19éme région.juillet. Année scolaire 1932-1933), Jean Lerat obtient le premier prix de croquis d’après nature, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole et le premier prix de dessin et de peinture, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole.
1932 - (10 juillet). Exposition Régionale du travail (Les meilleurs ouvriers de France), Jean Lerat obtient pour le 4éme concours régional de céramique (5éme section) la prime de 100 francs, pour le 4éme concours régional de céramique (1ére section). La prime de 200 francs et la prime de 300 francs ainsi que le premier prix de 50 francs, sculpture, décernés par A. Bernard, président du jury et Magdelenat, président de la 19éme région.
1932 – (septembre) Henri Malvaux diplomé (1930) de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, est nommé professeur de dessin au lycée de Bourges.
1933 - (9 juillet). Exposition Régionale du travail (Les meilleurs ouvriers de France), Jean Lerat obtient pour le 4éme concours régional de céramique (5éme section) la prime de 100 francs, pour le 4éme concours régional de céramique (1ére section) la prime de 200 francs, pour le 4éme concours régional de céramique (1ére section) la prime de 300 francs et le premier prix de 50 francs, sculpture, décernés par A. Bernard, président du jury et Magdelenat, président de la 19éme région.
1934 - (8 juillet. Année scolaire 1933-1934), Jean Lerat obtient le deuxième prix de dessin et de peinture (cours supérieur) et le rappel de premier prix de composition décorative, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole.
1934 - (8 juillet). Exposition Régionale du travail (Les meilleurs ouvriers de France), Jean Lerat obtient pour le 3éme concours régional de de menuiserie d’art (1ére section dessins) la prime de 50 francs (5éme prime), pour le 3éme concours régional de de menuiserie d’art (1ére section dessins) la prime de 125 francs (2éme prime),pour le 3éme concours régional de de menuiserie d’art (3éme section, sujet imposé : un bureau de dessin) la prime de 350 francs (3éme prime), pour le 5éme concours régional de céramique (1ére section, Projets exécutés en plâtre) la prime de 150 francs (1ére prime) et pour le 5éme concours régional de céramique (1ére section, dessins- Série B Pièces diverses) la prime de 100 francs (1ére prime) décernés par A. Bernard, président du jury et Magdelenat, président de la 19éme région.
1935 - (7 juillet. Année scolaire 1934-1935), Jean Lerat obtient le rappel de premier prix de composition décorative, le prix d’excellence de sculpture, et le premier prix de perfectionnement de dessin, délivré par Duneufgermain, directeur de l’Ecole.
1935 - 1936 – Il continue de suivre les cours de sculpture de Noêl Feuerstein à L’Ecole Nationale des Beaux-arts de Bourges.
1936 - 1939 – Jean Lerat est nommé professeur de dessin à Saint Amand - Montrond (Cher) et au Petit séminaire du Cher.
En même temps que la pratique de sculpture, Jean Lerat peint principalement des paysages en Bretagne, au Mont d’or et en Berry. Il commence à exposer ses œuvres dans la galerie Guillaume, rue des arènes à Bourges. François Guillaume est un des principaux notables de la ville. Il conçoit et édite des objets pour la table. En particulier il relance la mode du mazagran. Il connait très bien La Borne où il va modeler des céramiques le week-end dans l’atelier du maître potier, Armand Bedu. Il réalise également une collection de vieux La Borne.
Jean Lerat dessine des projets de décoration intérieure en vue de la prochaine exposition universelle de Paris.
1937- Toute la province du Berry alliée à celle du Nivernais se mobilise pour y construire un pavillon à cette exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne. Toutes les productions y sont mises en valeur. François Guillaume est très actif pour y présenter les grès de La Borne
Jean Lerat obtient une médaille d’argent pour sa sculpture « Pomone » en céramique exposée à l’Exposition internationale de Paris.
1938 – Jean Lerat réalise des modèles fabriqués à Vierzon en porcelaine pour décorer la table (la ronde berrichonne, angelots, etc).
1939 – Jean Lerat subit l’arrêt de ses activités d’enseignement. Il travaille comme dessinateur au bureau d’étude des usines d’aviation de Bourges.
1940 - Jean Lerat accepte la proposition de François Guillaume de relancer la création à La Borne.
1941 (février) Jean Lerat s’installe au mois de mars à La Borne (Cher). Il modèle dans l’atelier mis à disposition par Armand Bedu et apprend en quelques mois à tourner pendant la pause déjeuner des tourneurs.
André Rozay, réfractaire au Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne rejoint son ami Jean Lerat à La Borne.
1942 - Henri Malvaux, est nommé directeur de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts et des Arts appliqués de Bourges.
1942 - Paul Beyer s’installe à La Borne dans l’atelier aménagé par la « Coopératives des artisans du Loiret. » Il est doté d’un four à bois de 0,5 m3 permettant une production personnelle en autonomie sur des plans inspirés par la Manufacture de Sèvres.
1943- Jean Lerat, invité par Georges-Henri Rivière, présente des œuvres au Musée des Arts et traditions populaires (Paris), puis il expose avec d’autres céramistes à la galerie d’orfèvrerie Christofle.
1943 – Henri Malvaux élabore un projet de développement de l’Ecole des Beaux-Arts qu’il mettra en œuvre après la guerre. Il comporte une section céramique. Il promet à Raymond Legrand de l’associer à son projet quand celui reviendra du STO.
1944 – Le 27 février 1944, Jean dit à Jacqueline qu’il l’aime.
1944 - Début de l’enseignement de Jean Lerat dans l’atelier de céramique de l’école des Beaux-arts de Bourges.
1944 - Noël, Jean et Jacqueline retournent à Macon pour célébrer leurs fiançailles.
1945 - Henri Malvaux est dans les instances dirigeantes des associations artistiques qui accompagnent le ministère. Il peut mettre en œuvre son programme de développement de L’Ecole Nationale des arts appliqués à l’industrie. Le pôle céramique s’appuie sur Jean Lerat responsable du volume et de la construction du four à bois avec l’aide Gensoli de la manufacture de Sévres, Raymond Legrand pour la décoration et Robert Lelarge pour l’éducation populaire.
1920 – Jacqueline Bouvet naît le 2 décembre à Bonneville (Haute-Savoie). Son père, Jean Bouvet, est professeur à l’Ecole Normale des instituteurs. Il est affecté en 1922 à l’Ecole Normale des instituteurs de Mâcon (Saône et Loire). Jean Bouvet est engagé à la SFIO et à la Ligue des Droits de
l’Homme.
1925 - Maurice Bouvet, le frère de Jacqueline, naît le 8 octobre.
1931 - 1938 – De 1931 à 1937, Jacqueline Lerat est au lycée de jeunes filles de Mâcon. En 1938, elle entre en classe de philosophie au lycée Lamartine.
1933 - 1939 – Jean Bouvet organise l’accueil des réfugiés allemands qui s’opposent au nazisme et des réfugiés espagnols. A partir de 1936, il est président des Auberges de jeunesse de Saône et Loire, Président départemental de la Ligue des Droits de l’Homme et conseiller municipal de Mâcon.
1935 : Henri Malvaux est professeur de dessin au lycée Lamartine.
1938 - Pâques : premier séjour de Jacqueline Bouvet au Contadour (Alpes-de-Haute-Provence) avec Jean Giono. Elle se lie d’amitié avec Lucien Jacques, poète, éditeur, peintre, dessinateur, graveur et danseur, et avec le peintre et graphiste Justin Grégoire.
1939 – Jacqueline Lerat suit les cours de la classe de dessin à l’école municipale des Beaux-arts de Mâcon. Elle rencontre le sculpteur Max Descombin. Elle dessine des paysages dans la campagne mâconnaise.
1940- Elle s’inscrit à l’Ecole des Arts Décoratifs de Bordeaux, mais elle rejette un enseignement qu’elle juge trop académique. Elle renonce à la peinture.
1941 - Jacqueline Bouvet choisit de travailler l’argile. Au mois de novembre, elle est apprentie dans l’atelier de céramique dirigé par Alexandre Kostanda au « Centre artisanal Jeune France ». 1942 (février)- Anne Dangar vient faire un séminaire. C’est le début d’une amitié entre Anne Dangar et Jacqueline Bouvet. Celle-ci est promue chef d’équipe.
1943 - Henri Malvaux propose à Jacqueline Bouvet de découvrir La Borne, François Guillaume lui assurera sa rémunération et la prise en charge de ses frais. Jacqueline Bouvet logera à La Borne chez Mme Chameron, anseuse qui modèle des objets de décoration. Elle travaillera dans l’atelier de François Guillaume avec Jean Lerat et André Rozay. François Guillaume lui demande de modeler des crèches pour le noël 1943. Les trois jeunes gens font les courses de Paul Beyer avec lequel ils échangent quotidiennement.
1943 1944, l’année qui a décidé d’une nouvelle ère pour le grès : Début juillet Jacqueline franchit la porte de l’atelier occupé par Jean Lerat. Dès le premier regard ils pressentent qu’ils vivront ensemble. Chacun sait que cette rencontre est la chance de sa vie. « J’ai rencontré le matériau et un homme mais je n’aime
pas qu’il y ait dans la phrase un premier et un second. Pourtant sur le plan vérité, j’ai d’abord rencontré le matériau et l’homme a dépassé le matériau, l’a envahi. Je ne sais pas comment dire… »
Le 27 février 1944, comme tous les soirs d’hiver, les deux potiers tissent le temps autour du feu. Et ce soir-là, Jean dit à Jacqueline qu’il l’aime. Neuf mois après son arrivée à La Borne, fin mai 1944, Jacqueline reçoit une lettre de son père qui lui demande de rejoindre sa famille... Pressent-il que son engagement en faveur des droits de l’homme le met en danger ? Au point peut-être de retrouver ses enfants, ensemble autour de lui, une dernière fois.
Le 28 juin, des Français appartenant à la milice forcent la porte de la maison, amènent Jean Bouvet dans la cour et le fusillent.
« Par un jour d’été 1944, le 28 juin exactement, vers 4 heures, mon père a été fusillé. La journée avait été celle d’un été chaud, dans la nuit il fit un violent orage. Le drame était cette fois pour nous. Alors qu’il se jouait à tout instant partout. Comment oser croire qu’il ne serait que pour
l’autre. 43 ans. Le temps s’abolit, l’angoisse demeure au-delà du temps¹
1944 - Fin mai, Jean Bouvet convaincu par Jean Giono, avait confirmé à sa fille son soutien pour son engagement dans la céramique.
Au mois de septembre, Jacqueline retrouve Jean à La Borne.
¹ Cahier beige, 1986.
1945 – le 3 février, Jacqueline et Jean se marient dans la chapelle de La Borne. Le repas de noce a lieu à Menetou-Salon
Jean est d’abord un sculpteur, Jacqueline maitrise le tournage tous les deux adorent certaines argiles qui sont exceptionnelles pour modeler. Une des premières choses qu’ils réalisent ensemble ce sont les assiettes, bols, soupières, pichets, saladiers pour leur quotidien. Cuits dans les grands saloirs de
monsieur Bedu, ils serviront jusqu’à la fin de la vie de Jacqueline. Pour l’extérieur, ils seront cuit dans le four Beyer à raison d’une cuisson tous les mois La demande se porte sur des objets utiles que l’on ne trouvent que peu dans le commerce (vases, pots à tabac, cendriers, bouteilles à liqueur, etc.). Ce sont des objets uniques à chaque fois ornés de décors géométriques et/ou d’animaux et de personnages. Ils créent des objets pour la vie quotidienne ou pour la décoration, des personnages, des animaux, des oiseaux, et des sujets religieux. A côté de ces objets utiles Jean surtout développe tout un univers de personnages, d’animaux liés au quotidien. Pour un dernier tiers il s’agit des personnages religieux commandés par la bourgeoisie, docteurs, pharmaciens, industriels et commerçants. Jacqueline et Jean seront portés par une vague qui remonte au début du XXème siècle et qui vise à rénover le statuaire désuet des églises qui ne sont plus pour les croyants lettrés de cette époque que des copies pseudo-romanes, pseudo-gothiques ou pseudo-modernes d’où toute spiritualité est absente.
1945 - juillet, Paul Beyer est hospitalisé à Bourges. Il meurt le 10 septembre.
En décembre, ils réalisent leur première exposition commune à la galerie Pédrinis de Mâcon.
1946 - Jean a réalisé plus de 1000 céramiques pour François Guillaume en 1946. Ils prennent leur liberté mais continuent de lui fournir les œuvres dont il a la vente à Bourges.
Ils louent à la coopérative des artisans du Loiret et à sa demande, l’atelier occupé par Paul Beyer, doté d’un four de 0,5m³ permettant une production personnelle en autonomie. Ils achèteront en 1950 à la propriétaire des lieux, Mme Talbot, l’ensemble de l’atelier.
Dans leur nouvel atelier, sur le chemin menant à leur maison et le soir près du poêle, ils continuent à parler de la terre, des pots et des projets qu’ils comptent mener. Jacqueline aborde un sujet qui la préoccupe : la signature qu’ils gravent sur leurs pièces. Depuis qu’ils sont mariés, Ils peuvent signer indifféremment « J LERAT ». Jean souhaiterait qu’ils adoptent une signature commune et que tous les documents administratifs soit à son nom. Jacqueline souhaiterait conserver son nom de jeunes fille. Elle a besoin de vivre sa propre histoire. Ils conviendront d’une seule signature JJ LERAT et de ne pas divulguer le créateur. Cette démarche va longtemps brouiller les cartes ! Pour les parties modelées, il est assez facile de deviner qui a réalisé l’œuvre surtout si on peut l’identifier dans les carnets de dessin.
1946- 25 août, naissance de leur fils Jean-François.
1946 – La galerie Rouard (avenue de l’Opéra à Paris) met une vitrine à leur disposition. C’est le début d’un partenariat exigeant qui durera jusque dans les années 1960.
1947- Le céramiste et sculpteur Vassil Ivanoff s’installe à La Borne.
1947 - Paris : Premières participations au « Salon des artistes décorateurs », au « Salon des métiers d’art » et au « 8 ème Salon de l’imagerie ».
1947 - Angleterre : Jacqueline et Jean sont présents dans plusieurs villes pour l’exposition « Modern french pottery ».
1947 - Lyon : Ils exposent à l’initiative d’Anne Dangar dans la galerie Folklore de Marcel Michaud.
1947 – Vassil Ivanoff construit avec l’aide de Jean Lerat un four sur le modèle de celui de paul Beyer.
1948 - Le révérend père Régamey, responsable de la revue « L’art sacré » rencontre Jean et Jacqueline Lerat à La Borne Paris : Ils exposent au « Salon de l’art sacré ».
Le père Marie-Antoine Couturier, désespéré par l’absence ou la nullité des arts visuels dans les églises, est le grand initiateur de ce mouvement. En 1935, il lance la revue « L’art sacré » et fait appel à de grands artistes tels que Bonnard, Léger, Matisse, Braque, Chagall pour rénover les églises
En 1937, son confrère dominicain, Pierre Regamey (1900-1996), le rejoint. Regamey est historien d’art et Couturier, un artiste. Ils rendent visite à Jacqueline et Jean Lerat à La Borne en 1948. Des Dominicains, des curés de paroisses, des passionnés d’Art sacré leur demandent de travailler pour leurs églises ou pour enrichir leurs intérieurs. Les commandes se multiplient.
Les prêtres du Pays Fort et de Bourges comme l’Abbé Bonneval d’une part et la galerie Rouard d’autre part soutiennent ce mouvement. Plus tard, davantage ancré dans l’art roman est fondé par le moine bénédictin Dom Angelico Surchamp de l’abbaye de la Pierre-qui-Vire dans l’Yonne la revue Zodiaque, consacrée à l’art roman qui a aussi pour mission d’inspirer le renouveau de l’art sacré en France. Jean Lerat créera pour un des moines la croix de la Verrerie commandée par la famille De Vogüé.
La statuaire de Jean Lerat est marquée par sa liberté et souvent une pointe d’humour rappelant les sculpteurs des églises romanes que la famille parcours avec l’Abbé Mériaux.
1948 - A la demande de la société Christofle qui veut exporter des sonnettes de table aux Etats-Unis, ils créent ses premiers petits personnages féminins pour décorer la table, appelés par la suite bouquetières. Jacqueline s’inspire de journaux de modes. Elle poursuivra la série de bouquetières jusque dans les années 75.
1948 – Elisabeth Joulia après une année dans l’atelier de céramique avec Jean Lerat à l’école des Beaux-Arts de Bourges s’installe à la Borne. Elle cuit dans le four Beyer. C’est une période d’échanges journaliers. Elle les incite à s’abonner à la revue Art d’aujourd’hui.
1949 (20 avril)- Naissance de Claire.
Pierre Mestre, Gutte Etiksen s’intallent à La Borne.
1950 - Paris : « Les arts du feu » à la galerie Rouard et « Création 1950 » pour l’atelier Primavera des grands magasins du Printemps.
Jacqueline et Jean Lerat produisent simultanément des formes destinées à l’usage quotidien (pichets, plats, bouteilles, soupières, bols, vases, etc.) et des sculptures. Les conceptions des pièces pour la table et la décoration sont communes. Il est presque impossible de distinguer à cette époque la part respective de Jacqueline et Jean dans la réalisation des œuvres utilitaires. Leur travail se différencie nettement dans la création des personnages et des œuvres sacrées.
Jacqueline et Jean tournent et modèlent des grès commandés par leurs clients catholiques (saints et saintes, Vierges, des chemins de croix.
Les œuvres sacrées conçues par Jean Lerat sont solennelles et parfois monumentales, dans le sillage de ces artistes anonymes qui ont peuplé la cathédrale de Bourges.
Les maternités de Jacqueline sont durant cette période le thème central de son œuvre. Ces sculptures la relient à la naissance de ses propres enfants et aux œuvres et architectures des chapelles romanes. Les premières maternités laissent l’impression d’une proximité avec les artisans du Moyen Âge. Dans les années 60, elles tendent vers la simplicité : les traits de la mère émergent du volume compact de la terre. Les mains et les visages de l’enfant affleurent, à peine dits.
1951 - Durant le mois de septembre Bernard Leach rend visite aux Lerat à La Borne.
1953 – Commande 41 médaillons, première réalisation de la politique du 1% culturel à l’occasion de la construction de bâtiments publics.
Grâce à l’impulsion de sa directrice, Yvonne Cordillot, le lycée de jeunes filles de Bourges est dotée d’un nouveau bâtiment, destiné aux élèves internes, construit rue Vauvert. Yvonne Cordillot obtient que la façade soit une démonstration du rôle des femmes qui, par leur action, ont contribué à faire évoluer la condition féminine en France. Jean Lerat est chargé de ce projet qui lui demande deux années de travail. Les recherches pour ces nouvelles créations l’obligent à produire des quantités de dessins préparatoires. C’est une étape importante dans l’évolution de sa technique.
Il est de plus en plus question de quitter La Borne. La famille de Jean possède une maison au 16 rue Vauvert, à Bourges qui lui est attribuée par le conseil de famille. Les cours aux Beaux- Arts, la scolarité des enfants François et Claire (nés en 1946 et 1949), la commande des médaillons, les voyages à Paris de
plus en plus fréquents toutes ces contraintes les incitent à s’installer à Bourges. Mais il y a sans doute une autre raison, au moins aussi importante : Jacqueline et Jean sont curieux de toutes les formes d’expression et s’intéressent à l’art contemporain, aux arts vivants, car à Bourges où la comédie de Bourges n’est pas encore installée, ils ont des amis comme l’imprimeur Boin, féru de jazz, les enseignants de l’Ecole des Beaux-Arts, etc.
1954 - Jacqueline modèle les personnages d’une crèche pour la cathédrale de Bourges. Les maternités de Jacqueline sont durant cette période le thème important de son œuvre. Ces sculptures la relient à la naissance de ses propres enfants et aux œuvres et architectures des chapelles romanes. Les premières maternités laissent l’impression d’une proximité avec les artisans du Moyen Âge. Dans les années 60, elles tendent vers la simplicité : les traits de la mère émergent du volume compact de la terre. Les mains et les visages de l’enfant affleurent, à peine dits.
1954 - Sarrebruck (Allemagne). Exposition d’art sacré.
1954 - Bourges : « Peinture, sculpture, céramique ». musée du Berry.
1955 - Jacqueline et Jean Lerat quittent La Borne et s’installent dans une maison appartenant à la famille de Jean, 16 rue vauvert à Bourges. Construction d’un nouvel atelier et d’un four types Sèvres à deux alandiers. Dès leur installation, le grand jardin devant la maison devient une passion pour les deux artistes dont l’espace de création occupe ces trois lieux : la maison, le jardin et l’atelier.
- Le 6 novembre, 1ere cuisson dans le nouveau four.
Jacqueline modèle des personnages, des maternités et des objets pour l’usage quotidien.
De 1950 et jusqu’aux début des années 60 , Jean crée des formes inspirées de ses observations : personnages du quotidien, coureurs cyclistes, joueurs de carte… Il modèle un bestiaire poétique. A la fin des années 50, les poules, les canards prennent l’aspect d’une figures géométriques qui accentuent leur réalisme.
L’art sacré est toujours aussi présent. Des commandes parfois monumentales pour les églises donnent lieu à des recherches et d’innombrables dessins : les crucifix, les statues des évangélistes, des saints voisinent dans les carnets avec les pièces utilitaires comme les soupières, les pichets en très grand nombre.
Les recherches de Jean Lerat au fil des mois et des années traduisent l’aspect féminin des formes élancées, avec l’apparition d’un mouvement ascendant qui caractérisera un grand nombre de sculptures par la suite. De nouvelles formes ondulantes sont composées de trois boules superposées, chacune signifiant l’une des parties du corps féminin (tête, buste et jambes).
En 1955, Jacqueline et Jean Lerat s’installent dans la maison appartenant à la famille de Jean, rue Vauvert. Ils aménagent un atelier avec une grande baie vitrée donnant sur le jardin. Jean construit un four type Sèvres à deux alandiers dans une pièce attenante. Cette période est pour Jacqueline un grand moment de bonheur, d’une nouveauté excitante. La lecture depuis 1950 des revues Art d’aujourd’hui, art et architecture, les émissions qu’elle écoute sur France Culture enrichissent leurs recherches.
- Nous sommes deux dans l’atelier, chacun de notre côté. Car on ne marche que sur ses deux pieds et non sur les pieds de l’autre² .
² Jacqueline Lerat, cahier rouge et noir, 1988.
Les œuvres des deux artistes portent une signature commune mais suivent des chemins différents.
Chacun dessine dans des carnets les esquisses nées de son imagination. Ils en ont laissé une centaine, chacun de 100 pages rempli recto verso.
De 1950 jusque dans les années 60, Jean crée des personnages du quotidien, coureurs cyclistes, joueurs de cartes, crèches. Il commence à concevoir tout un bestiaire d’un réalisme poétique, malicieux : des canards aux grands becs, des coqs conquérants et crâneurs, des poules toutes rondes dressées sur deux tiges en fer qui leur servent de pattes. De part et d’autre du corps plantureux, émergent une toute petite tête avec un bec pointu, des yeux vifs et une queue minuscule. Puis à la fin des années 50, elles prennent l’aspect de figures géométriques audacieuses, comme le triangle, qui accentuent leur réalisme. La forme est affirmée, d’une modernité intemporelle, d’un réalisme optimiste et joyeux.
L’art sacré est toujours aussi présent. Des commandes parfois monumentales pour des églises donnent lieu à des recherches et d’innombrables dessins : les crucifix et les statues des évangélistes sont de plus en plus épurés. Ils voisinent dans les carnets de dessins avec les pièces d’usage comme des soupières et des pichets…
Si les personnages s’inspirent d’un quotidien traditionnel (le boulanger, le joueur de boule etc.), ils sont résolument modernes, stylisés, à la fois solennels et caricaturés, d’une surprenante légèreté et ils respirent la joie de vivre…
Les recherches au fil des mois et des années traduisent l’aspect féminin des formes élancées, avec l’apparition d’un mouvement ascendant qui caractérise par la suite un grand nombre de ses sculptures.
A partir des années 55 et jusqu’au début des années 60, les lignes des pichets sont encore plus fluides. Le corps commence à être une préoccupation pour Jean. : les formes utilitaires et les vases sont tout en rondeur : ils prennent appui sur une base très étroite, s’enflent ensuite et rétrécissent jusqu’à l’étroite ouverture en leur sommet.
De nouvelles formes ondulantes sont composées de trois boules superposées, chacune signifiant l’une des parties du corps féminin (tête, buste et jambes). Ces recherches aboutissent à la création de vierges à l’enfant et de personnages remarquables dont les vêtements sont décorés de damiers.
Les créations de Jean recherchent la simplicité, la fluidité, l’élévation. Il est en quête de silhouettes féminines. Mais ses créations traduisent davantage un souci d’esthétisme, de légèreté plus qu’une sensibilité féminine. Son regard est celui d’un sculpteur à la recherche de formes qui correspondent à son besoin de transcendance, de beauté parce que cette recherche-là est pour lui un besoin vital.
1955 - Helsingborg (Suède) : » Exposition internationale des arts appliqués de l’habitation et de l’aménagement intérieur. »
1957 - Milan (Italie) : Exposition à la Triennale de Milan.
1957 - Paris : dépôt de pièces à la galerie La Roue.
1958 - Bruxelles (Belgique) : Exposition internationale.
1958 - Paris : dépôt de pièces à la galerie La crémaillère.
1959 - Cannes (Alpes-Maritimes) : Exposition internationale.
1959 - Ostende (Belgique) : La céramique contemporaine.
1960 - Tokyo (Japon) : Decorative art à Tokyo (1960).
1960 - Paris : Dépôt de pièces jusqu’en 1967 à la galerie La porte ouverte.
1960 - Au début au début des années 60 une nouvelle évolution se produit, les relations avec les galeries parisiennes et notamment la galerie La Demeure en est le principal support (cf 1963).
L’arrivée à Bourges du metteur en scène et comédien Gabriel Monnet crée un nouvel environnement tourné vers la modernité. Un évènement qui va d’ailleurs compter durablement non seulement pour la ville de Bourges mais aussi pour le Berry et pour la France. Gabriel Monnet crée La Comédie de Bourges en 1961, puis la Maison de la culture. ».
Le 18 avril 1964, il prend la tête de La Maison de la culture inaugurée le 14 avril 1965 par le Général de Gaulle et André Malraux.
C’est à l’origine un haut-lieu d’expression polyvalent où sont associées les activités dramatiques à d’autres disciplines et à des artistes, parmi lesquels des sculpteurs, des peintres, des poètes, des musiciens et des chorégraphes. Cette concertation entre différentes formes artistiques a pour finalité revendiquée pour Gabriel Monnet de permettre à l’homme de mieux se voir, de se comprendre, de mieux lutter.
-Je disais que nous n’étions que les habitants d’une maison trouvée, les ouvriers d’une transition, une forme de maison de théâtre, qu’il fallait même inventer d’autres maisons ouvertes de la peinture, de la littérature, de la musique, du cinéma, qu’il fallait même imaginer des maisons sans murs, des villes de culture – des villes elles-mêmes – comme autant de spirales structurées pour la rencontre quotidienne des disciplines
humaines, des artistes, des savants, des travailleurs, des rêveurs, des citoyens, grands et petits, entre eux, admettre enfin, oui, l’imagination au pouvoir³.
Pour Jacqueline et Jean, c’est comme une sève qui se change en ambre. Leurs recherches sont transfigurées.
Dès 1961, des liens vont se tisser entre Jacqueline, Jean et l’homme d’action. La création de La Maison de la Culture cristallise les désirs, les projets, le besoin d’engagement et l’imaginaire des deux artistes. Jacqueline s’y rend plusieurs fois par semaine. Elle expose des sculptures et des vases à l’entrée, dans le hall, dans les différents espaces. Elle crée des bouquets avec des fleurs du jardin. Jacqueline et Jean sont présents aux assemblées générales, participent aux ateliers, et possèdent tous les numéros de L’almanach. Lorsque Gabriel Monnet réalise un film sur la ville de Bourges, il montre les deux céramistes dans leur atelier.
1962 – Château de Ratilly (Yonne) et Paris : Exposition « Grès d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs », reprise au musée des Arts Décoratifs à Paris sous le titre « Maitres potiers contemporains ». (Antoni Cumella, Francine Delpierre, Jean Derval, Shoji Hamada, Bernard Leach, JJ Lerat, Yves et Monique Mohy, Daniel de Montmollin, Jeanne et Norbert Pierlot, Tuumi et Antoine de Vinck.).
³ Ibid.
1963 – Paris : Galerie La Demeure. Dépôt d’œuvres jusqu’en 1971. Les premières pièces sont des vases-sculptures importants qui doivent s’allier avec les tapisseries modernes exposées notamment celles de Tourlière que Jacqueline apprécie. Le premier dépôt est vendu rapidement. Jacqueline apporte des branchages et des plantes sèches qu’elle transporte par le train de Bourges à Paris-Austerlitz. Cette relation les conforte dans le développement de leur sculpture.
1963 - Dépôt d’œuvres dans la galerie La Porte ouverte, rue St Honoré.
1964 - Le travail de Jean Lerat commence à changer de cap même s’il n’abandonne pas encore ni les objets usuels et religieux, ni son bestiaire. Il modèle des vases et des figures géométriques. Comme le grand oiseau dont les surfaces du corps monumental, en forme de triangle, est architecturé d’aplats, créant des effets de lumière animant la figure dans l’espace ; ou le vase losange, celui que Jacqueline préférait car il contenait le monde à lui tout seul, et pour lequel elle cueillait des iris.
Les résultats les plus signifiants de cette recherche recommencée sont des sculptures rondes, ovales, monumentales , lacérées par des entailles à l’endroit où devraient se trouver les yeux ou la bouche. On pense aux têtes de Raoul Ubac, dressées vers le ciel ou à certaines œuvres de Fontana.
Jean commence à créer des sculptures d’apparence humaine, certaines rappelant les Vénus paléolithiques. La plupart représentent des torses, des bustes difformes, bosselés, tourmentés. Des corps déforméés qui rejettent tout esthétisme.
Ils sont recouverts d’engobes, de plus en plus tendres, rosés, humanisant la naissance d’une épaule, la lourdeur d’un sein, la douleur que l’on devine dans un dos, le passage du temps sur un corps blessé.
Jean ose sans doute parler de son propre corps qui commence à manifester des faiblesses, l’enferme et le fait souffrir.
Durant la même période, à partir de 1963, Jacqueline, à son tour, cherche l’essence du corps qu’elle veut faire apparaître plutôt que de le représenter. Elle s’engage dans une voie très différente de celle prise par Jean et crée des vases qui prennent la forme de bustes.
Le dessin n’est pas totalement libéré du souvenir des maternités antérieures puisque Jacqueline part de la forme originale pour la déstructurer et effacer toute trace de représentation évidente. La présence de l’enfant est symbolisée par des lignes géométriques ou par une légère expansion.
1964 – Québec (Canada), Institut des arts appliqués, « L’art français contemporain ».
1965 - Jacqueline cherche l’essence du corps qu’elle veut faire apparaître plutôt que de le représenter. Elle tâtonne, s’engage dans une voie très différente de celle prise par Jean, s’aventure quelque temps dans la représentation abstraite. Elle crée des bustes. D’une façon générale, la face avant du buste est tournée côté gauche et le dos côté droit. Les seins, le ventre, l’épaule, le départ des bras, le dos forment des excroissances plutôt anguleuses. Le haut de la sculpture reste ouvert comme un vase. Certaines formes ne rappellent en rien le corps humain ou le visage, tant elles sont déstructurées.
Se souvenant des expériences des peintres, Jacqueline soigne les matières qui accrochent la lumière. Les chamottes, les sables , les engobes et parfois quelques d’émaux créent des paysages.
Le dessin n’est pas totalement libéré du souvenir des maternités antérieures puisque Jacqueline a encore besoin de partir de la forme originale pour la déstructurer et effacer toute trace de représentation évidente. C’est ainsi que plusieurs dessins montrent la transformation d’une maternité classique en un vase robuste : la partie basse qui matérialise les jambes assises en tailleur est surmontée du haut du buste. Celui-ci prend la forme d’un carré dont le centre est gravé de lignes géométriques symbolisant la présence de l’enfant.
- Je suis passée de la présence de la figure, à l’intériorisation de cette figure pour une ouverture et un enfouissement⁴ .
Mais Jacqueline recherche d’abord le mouvement. Elle a conscience qu’elle fige le corps alors qu’elle voudrait le libérer. Elle est constamment dans « l’arrêté » alors qu’elle veut la fluidité.
Ce n’est pas l’image même abstraite du corps qu’elle cherche mais sa « vraie présence ».
A partir des années 1970, elle dessine et réalise des formes simples : « Les demoiselles ».
Ce sont des vases (ou des corps) dont la partie supérieure est figurée par la courbe de l’épaule, le départ des bras, ou la forme d’un sein, de part et d’autre du buste. Juste des ébauches de corps féminins, parfois recouverts de traces, de paysages avec des noirceurs qui font peut-être référence aux événements qui secouent le monde et qui imprègnent son travail d’artiste.
1965 - Toulouse : Premières pièces déposées à la galerie At home. Jacques Pulvermacher est un galeriste très exigeant qui expose Elisabeth Joulia, Yves Mohy, Robert Deblander et des bijoux créés par des artistes. Les relations personnelles se poursuivront même après son déménagement à Paris où il n’exposera que de la peinture.
1966 - Jacqueline rejoint Jean à l’Ecole des Beaux-arts. Elle est nommée professeur et le restera jusqu’en 1986 dans « l’atelier terre ». Le professorat change sa vie. Le charisme de Jacqueline accroît la notoriété des Beaux-arts de Bourges qui recrutent un peu partout dans le monde. Elle ouvre l’école à toutes les influences de l’art contemporain et choisit pour ses étudiants des livres, des films, des objets qu’elle distribue au début de chaque séance. Elle fait venir des chorégraphes. Le processus de création exige que les étudiants commencent par une réflexion sur diverses expériences artistiques et sur la prise en compte de l’espace et de la lumière… Il s’agit de se défaire de ses certitudes et d’engager chacun à aller au bout de ses visions, de ses impulsions, de ses émotions qui l’accompagnent dans ses choix, vers le « faire ».
Les échanges la passionnent. La préparation de son enseignement lui prend beaucoup de temps. C’est un des rares moments où elle délaisse sa création personnelle tout en préparant ses créations futures.
⁴ Ibid.
Jusqu’à son décès elle gardera des liens avec ses étudiant.e.s grâce à des voyages, des rencontres et de longues conversations téléphoniques.
1966 - Saint-Rémy de Provence : premières pièces déposées à la galerie Noëlla Gest.
1967 - Reportage de Pierre Joly et Vera Cardot publié dans la revue La Maison française en 1967.
1967 - Marseille (Bouches du Rhône) : exposition internationale « Céramique contemporaine » au musée Cantini.
1967 - Tours : « Grès anciens et contemporains de La Borne. »
1966 à 1970 – Vallauris (Alpes-Maritimes) : Participation à la « Biennale Internationale de céramique d’art ».
1971 – Lyon (Rhône) : « Potiers et céramistes contemporains », avec l’association Formes et muraux de Maurice Perrier.
1972 - Tokyo (Japon) : « Contemporany European ceramics. » - Londres (Grande-Bretagne) : « International Ceramics », au Victoria and Albert Museum.
1973 - Depuis quelques années, Jean éprouve de plus en plus de difficultés pour respirer. Durant l’été 1973, il est hospitalisé en urgence à Tours. Les séjours dans les hôpitaux de Tours et de Bourges se succéderont jusqu’en 1976 où sera pratiquée une trachéotomie.
Jean délaisse les corps déformés pour créer des formes ondulantes qui se dressent dans l’espace. Il crée un grand vase mouvant qui prend la forme d’une vague et une feuille monumentale dont la base très étroite produit un mouvement dans son élévation. Cet abandon laisse à Jacqueline ce domaine du corps en mouvement. Elle a conscience qu’elle fige le corps alors qu’elle voudrait le libérer. Ce n’est pas l’image même abstraite du corps qu’elle cherche mais sa « vraie présence ».
A partir des années 1972, elle dessine et réalise des formes simples : « Les demoiselles ». Ce sont des vases (ou des corps) dont la partie supérieure est figurée par la courbe de l’épaule, le départ des bras, ou la forme d’un sein, de part et d’autre du buste. Puis en 1978, à la suite de lectures bouddhistes, elle dessine des corps revêtus du Kesa et modèle des Mandalas : ce sont des plaques d’argile mouvantes, à la manière d’un tissu, déposées sur un socle. Le point central est percé d’un cercle. Mandala signifie en sanskrit : cercle, centre, unité.
1973 - Joël Gauvin est nommé directeur de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Bourges.
1973 - Sars- Poteries (Nord) : « Cinq potiers explorent la terre » Jacqueline Lerat, Jean Lerat, Elisabeth Joulia, Yves Mohy, Antoine de Vinck, Pierre Culot. Cette exposition de grès contemporains organisée par l’Abbé Mériaux qui vient de fonder le centre de création du verre scelle une alliance entre les céramistes les plus importants de Belgique et de France.
1973 - Nevers : « Grès contemporain », Maison de la culture.
1974 – Bagnolet (Seine-Saint-Denis) : « De la céramique à la sculpture. », commissaire Daniel Pontoreau. Jacqueline aime cette démarche et elle souhaitera plus tard qu’il vienne reprendre l’atelier de céramique de l’Ecole nationale des Beaux- Arts de Bourges.
1975 - La notoriété de Jean JJLerat est grande mais suscite bien des envies. L’atelier des Beaux-Arts attire de nombreux étudiants, Mais c’est au cours de cette période que la santé de Jean se dégrade. Il souffre depuis l’enfance d’une malformation de la colonne vertébrale qui contraint ses poumons, ce qui l’oblige à des gestes d’une grande retenue. Durant l’été 1973, Jean et Jacqueline ont du partir en urgence à Tours. Jean est placé sous assistance respiratoire dans le service de réanimation. On ne sait combien de temps dure cette première hospitalisation mais de retour à Bourges, un appareil est installé dans une chambre de la maison au rez de chaussée. Il doit y avoir recours plusieurs fois dans la journée et durant la nuit pour pouvoir respirer, vivre et continuer à travailler.
Puis, il y a d’autres hospitalisations. Au mois de février 1976. L’opération est inévitable. De retour rue Vauvert, Jean cache sa trachéotomie permanente avec des foulards. Depuis deux ans, il s’est peu à peu retiré de l’enseignement à l’Ecole des Beaux-arts. Il laisse Jacqueline poursuivre l’enseignement avec des générations d’étudiants, en maintenant l’esprit de rigueur et d’ouverture sur le monde.
Mais il continue à travailler à son rythme. Il ne vit pas enfermé. C’est plutôt une vie close avec Jacqueline. Les voyages deviennent très rares. Il faut transporter l’appareil pour respirer. La vie et le travail s’écoulent dans ce temps suspendu. Jean veut aller au cœur des choses, au plus profond de lui- même. Il prend la vie comme elle arrive, par éclairs, pour saisir ce que murmure le jardin et s’abandonner aux vertiges du présent. Les sculptures éclairent son horizon. A partir de 1976, elles menacent de s’envoler. Jean abandonne les corps tourmentés pour des sculptures qui palpitent de vie : les corps se transforment en sortes de fumées ondulantes et disent un double élan pour le réel et l’impalpable. Solidement ancrées dans le sol, les formes s’élèvent dans l’espace
Il crée des sculptures de grande dimension : La feuille qui s’étire dans l’espace ; le grand vase évanescent comme une fumée ; une autre sculpture qui rappelle à la fois une colonne vertébrale mais dont les arabesques affirment sa fascination pour les vibrations de la vie. Des chefs d’œuvre comme La vague, un grand vase mouvant, tout un infini.
Sans doute, Jean n’est-il pas souvent allé à la mer mais l’eau l’effraie et l’attire en même temps. Jacqueline raconte que depuis qu’il est enfant, « Jean est attiré par l’eau, mais en ayant peur de se noyer. Son état de non-équilibre pourrait en être la raison. Mais il aime le mystère de l’eau, son côté mouvant et les reflets qu’elle renvoie de l’arbre et des nuages⁵ . »
Très affectée par la maladie de Jean, Jacqueline ne sait pas encore où son chemin va la conduire. Durant l’été 1976, elle lit Siddhârta d’Herman Hesse. Elle a écouté « Les chemins de la connaissance » sur France culture où l’on parlait des philosophies orientales. Alors, elle dessine des corps revêtus du Kesa, le vêtement porté par les disciples de Bouddha. Elle écrit près des dessins : « Chacun a son orient et son occident⁶ ». La tunique élégante est discrètement suggérée, dans le balancement du corps en marche, par l’avancée du tissu à l’emplacement des pieds et par un très léger déhanchement de la silhouette.
Puis, elle modèle des Mandalas : ce sont des plaques d’argile mouvantes, à la manière d’un tissu, déposées sur un socle. Le point central est percé d’un cercle. Mandala signifie en sanskrit : cercle, centre, unité.
Jacqueline est attirée par le centre, le point d’équilibre de chaque être. Dans beaucoup de ses sculptures, elle indique le centre, en appuyant avec son doigt sur la glaise comme si elle voulait situer le point d’équilibre du monde. Elle connaît le jardin chinois qui est le lieu d’une dispute millénaire entre deux mondes. Mais elle est plus proche de la métaphysique taoïste qui considère l’homme comme de la poussière de l’univers, que de la morale confucéenne qui le place au centre du monde. Elle se fait peintre chinois et projette sur des sculptures de cette période, l’ombre d’un cercle pour dire l’unité du corps avec le monde.
Pour Jacqueline, cet intérêt pour les philosophies orientales aboutit à la création d’œuvres qui se démarquent de ses recherches habituelles, liées à une période de sa vie avec Jean, sans doute pour attendre ce qui vient sans trop y penser, sans esprit de rationalité. Une recherche qu’elle ne reprendra pas par la suite, mais dont elle garde l’esprit.
⁵ Jaqueline Lerat, journal 1975.
⁶ Carnet de dessins, 1976.
1974 -Tokyo (Japon) : « Contemporary European Ceramics. »
1975 - Saint Remy de Provence (Bouches du Rhône) : « Dix- huit artistes de la terre », Galerie Noëlla Gest. C’est un moment majeur pour l’art contemporain car Noëlla y fait se rencontrer la génération des grés naturel de La Borne et une nouvelle génération avec Bernard Dejonghe et Claude Champy adeptes de l’émail.
1977 - Paris : « Artistes- artisans ? » Musée des Arts décoratifs. Le commissaire François Mathey y explore une des principales failles du monde artistique français, celle qui séparerait l’art et l’artisanat. JJLerat y exposent un des chefs d’œuvre de Jean aujourd’hui au musée du Berry, « La feuille ». François Mathey, un des initiateurs du Centre Pompidou ne réussira pas à y trouver une place pour la céramique….
1978 - Fin de l’enseignement de Jean Lerat à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Bourges. C’est Jacqueline Lerat qui prend le relais pour dix ans.
1978 - Jacqueline, à la suite de lectures de philosophie bouddhiste dessine des corps revêtus du Kesa et modèle des Mandalas : ce sont des plaques d’argile mouvantes, à la manière d’un tissu, déposées sur un socle. Le point central est percé d’un cercle. Mandala signifie en sanskrit : cercle, centre, unité.
1978 - Paris : « Céramique contemporaine », Bibliothèque Forney.
1981 - Paris : « Les métiers de l’art », musée des Arts décoratifs. François Mathey y poursuit la quête entreprise dès sa nomination aux Arts décoratifs.
1981 Jacqueline et Jean Lerat reçoivent le « Grand prix national » pour les métiers d’art, remis par Jack Lang, ministre de la culture de l’époque.
Ils font partie des lauréats des Grands prix nationaux des arts, à côté d’autres artistes, écrivains et chercheurs, parmi lesquels Henri Cartier-Bresson, Francis Ponge, Pierre Klossowsky, Roland Topor, Jacques Rivette, Jean Degotex, l’historien Ernest Labrousse, la danseuse étoile Nöella Pontois…
Depuis plusieurs années, on parlait d’une grande exposition, d’une rétrospective qui rassemblerait les œuvres des deux artistes pour retracer leur cheminement patient « de la tradition à la modernité » Elle a lieu à la Maison de la Culture à Bourges, en octobre et novembre 1981. Les pièces de Jean sont prêtes et des œuvres nouvelles de Jacqueline qui parlent du corps et du jardin sortent à peine du four.
Dans ses écrits Jacqueline, parle sans cesse du jardin. Il est avant tout une source d’inspiration infinie, la possibilité de guetter le rapport au temps, la relation aux saisons. Il est le mouvement et l’éphémère.
« Le jardin est le lieu de passage entre la maison et l’atelier. La maison s’ouvre sur lui. Il est présent à notre lever […] il est derrière la grande baie de l’atelier où l’hiver confine l’odeur de l’argile humide, où l’été laisse pénétrer le parfum […] Des lieux de passage, d’aperçus, de réel, d’imprévus, des lieux de contemplations, de solitude.
Ce triangle dans lequel nous nous déplaçons : un privilège pour essayer d’être […] Ce triangle est de toute part embaumé et la vie se cherche dans cette concentration. Le quotidien reste à découvrir. La quotidienneté nous rend aveugles⁷ .
Pour comprendre les métamorphoses des sculptures de Jean et celles des corps de Jacqueline Lerat dans les années 80, nous devons nous arrêter un moment dans le jardin. Il est sur le chemin qui conduit à l’atelier, il est l’endroit où Jacqueline retrouve Jean après les cours aux Beaux-arts. Dans l’atelier, une grande baie vitrée ouvre sur ce jardin qui est un univers entier à lui tout seul, borné au nord par la maison, à l’ouest par l’atelier et à l’est par un mur de pierres. Avec toute cette végétation, les fleurs, les cerisiers, le vieux poirier, les herbes sauvages, le jardin est leur paradis.
Au printemps 1980, debout devant la fenêtre, Jacqueline est sous l’emprise des « verts ». Les nouvelles formes portent en elles cette grande marée de vert, une sorte d’envahissement qu’elle ne peut contenir : « Le jardin c’est le mouvement, l’équilibre en suspens, offert, le tremblement, l’hésitation, la déchirure hésitée⁸ … »
⁷ Jacqueline Lerat, Cahier noir, 1998
⁸ Jacqueline Lerat, journal, vers 1982.
Il ne faut pas autre chose pour que les sculptures ressemblent à des formes mouvantes : des corps, qui poussent à tort et à travers, des corps qu’elle compare à des nuages… Le jardin, c’est la vie en mouvement, dans une perpétuelle épiphanie.
Au début des années 80, les corps sont reliés à un socle ou à « une brique » par une attache, un germe : « Les racines, on ne les coupe pas sans que la plante meure ou alors il faut vite mettre en terre le petit rejet que refera la racine. 9 ». Les premiers morceaux de terre qu’elle dépose sur la tournette sont les racines qui donnent vie à la forme.
Elle fait surgir des sculptures mouvantes d’un « enclos », qui incarne le jardin. Ce sont des formes qui disent le corps et la nature. Quand il s’agit d’un corps, il est toujours de profil ; les seins, le ventre forment des courbes très féminines. La forme suggère en même temps une végétation exubérante.
En 1982-1983, Des expansions jaillissent du corps : ce sont tout aussi bien des bras, des branches colorées, des tiges. Dans certains grès, l’ouverture au sommet de la pièce est remplacée par une excroissance en forme de tête.
Le corps est devenu le paysage du jardin.
Puis en 1984, les sculptures commencent à prendre de la hauteur : les formes élancées se balancent, serpentent délicatement, s’ouvrent comme les fleurs de lys.
Elle écrit près d’un dessin :
« Carolyn Carlson.
Chercher la limite Travailler dans la limite, sur la limite
Sans être sûr de rien, dans l’incertitude. »
Jean est le jardinier. Il aime que le jardin soit ordonné. Il arrache les mauvaises herbes, prévoit les espaces destinés aux semis. Jacqueline l’observe et essaie de préserver le côté sauvage qui lui fait battre le cœur. Pour Jean, ce n’est pas une question d’esthétique, il connait la vitalité des plantes, des arbres et la force de la végétation. C’est qu’il craint d’être débordé. Jacqueline aime le débordement. Mais elle laisse faire le jardinier. Pour Jean, dit-elle, le jardin est « le prolongement du corps, l‘intercesseur ». Il peut s’y baigner de lumière. Les instants de présence vive qu’il y puise sont des moments rêvés pour les dernières sculptures de son existence : il a modelé Le géranium-lierre qui s’accroche au mur du jardin, Le phare, Les baigneuses, Le petit temple dans les hauteurs, Le vase aux arcades, La cascade… Il dessine et sculpte quelques œuvres architecturales ornées de signes, d’oiseaux ou de poissons fuyants, de labyrinthes, de chemins qui gravissent la pente du vase comme le flanc d’une montagne¹⁰ …
« Jean prend la liberté de redire le géranium lierre qu’il avait soigné cet été, de redire le caillou trouvé. C’est pour lui un moment de liberté, de contraintes acceptées. Ce n’est pas une représentation, ni une image, mais plutôt l’évidence du plaisir. Ce moment-là, d’être là, avec. C’est peut-être vouloir connaître de l’intérieur. Comme si à un moment donné, Jean ne voulait pas perdre le réel et non le transcrire, effacer l’image pour reconstruire. Se poser la question de ce qui est en face. Vouloir ne pas se séparer.¹¹ »
1981 - Octobre-Novembre : Rétrospective « Jean et Jacqueline Lerat » à la Maison de la culture de Bourges. (01.10 au 30.11)
1982 - Paris : « Céramique française. Sources et courants. » Musée des Arts décoratifs. - « Terres », Centre Pompidou. - Knokke Heist et Gand (belgique) : « Sculpture de terre. » - Darmstadt (Allemagne) : « J’écris ma vie dans la terre. »
¹⁰ Le géranium-lierre (Vers 1981), La bibliothèque (vers 1982), Le phare (Vers 1982), Les baigneuses (vers 1982), Le petit temple vers 1984), Le vase aux arcades (Vers 1984), La cascade (vers 1985).
¹¹ Jacqueline Lerat, journal.
1983 – Bourges : « Chemins de terre », Ecole Nationale des Beaux-arts.
1984 – Paris : « Sur invitation », commissaire François Mathey, Musée des Arts décoratifs.
Jacqueline Lerat dessine les premières formes verticales, en lien avec les états de corps des danseurs. Les formes élancées serpentent délicatement, s’ouvrent comme les fleurs de lys. A la fin des années 80, elle sculpte des corps en forme de colonnes, séparés par une césure.
Elle poursuit ses recherches sur le jardin, la végétation, les plantes et les fleurs tout en s’intéressant à la danse, à la tension, au mouvement et à l’espace.
1986 - Jacqueline Lerat est présidente du Centre d’études et de développement culturel qui gère la galerie La box qui accueille pour sa première exposition une installation du vidéaste Bill Viola.
1988 – (juin). Fin de l’enseignement de Jacqueline Lerat à l’Ecole Nationale des Beaux-arts de Bourges.
1988- 10 décembre : Dernière cuisson avec Jean pour la rétrospective des 10 dernières années prévue avec Luc Pierlot au cours de l’été à Ratilly.
1989 – Château de Ratilly (Yonne), été : « Jean et Jacqueline Lerat. » (17.06 au 30.09).
Les œuvres attendent sur les planches de l’atelier. Il n’y a pas eu de cuisson depuis plusieurs années, pour une exposition personnelle dans les salles du château de Ratilly¹² où les murs passés à la chaux ont gardé la beauté d’une vieillesse heureuse. Les sculptures des dix dernières années, que personne n’avait encore vues, sont là. Elles étonnent par leur forte présence, leur nouveauté. Elles respirent et vibrent sous la caresse de la lumière qui pénètre dans les salles ouvertes, tourne, se pose et se colore aux grès blonds ou légèrement rosés : une lueur dans ce bel été 89, une respiration exceptionnelle au milieu de ces années. Jacqueline est seule lors de l’inauguration de cette exposition après le grand feu de traditionnel de la Saint Jean. Jean est hospitalisé, son état s’est aggravé depuis huit jours.
¹² L’exposition a lieu du 17 juin au 30 septembre 1989.
1989 - Châteauroux (Indre) : « Hommage à Jean et Jacqueline Lerat. », Commissaire Biennale de céramique.
1989 - Auxerre (Yonne), « La céramique contemporaine », Centre culturel de l’Yonne.
1992 - le 20 mai, décès de Jean Lerat, considéré comme « le père de la céramique contemporaine. » (Colette Save)
Jean Lerat est mort le 20 mai 1992, au lever du jour. Il s’est levé vers 5 heures du matin pour respirer, pour avoir un peu d’air encore. Jacqueline était près de lui.
« La mort c’est le silence. Mais un tel bruit, un tel désordre dans le corps de l’autre, celui qui n’a pu empêcher le départ. C’était comme si une montagne insaisissable s’était emparée de moi, me fatiguait, me serrait trop.
J’ai posé une pierre blanche sur le bord de ce matin de mai. Commence ce silence qui ne finira pas¹³ . »
Le retour à la vie de Jacqueline est progressif, graduel : elle ne veut pas céder à la solitude, ni au silence. De nouveaux projets la remettent en mouvement : la préparation d’un « Hommage à l’œuvre de Jean et Jacqueline Lerat¹⁴ » à la Maison de la culture de Bourges prévu pour 1994. Il faut cuire les pièces qui attendent depuis 1988. Elle fait appel au céramiste Lucien Petit, recommandé par Elisabeth Joulia pour l’aider et l’épauler, pour l’enfournement et son fils François pour la cuisson.
¹³ Cahier redstone, 1992.
¹⁴ « Hommage à Jean et Jacqueline Lerat », Maison de la Culture de Bourges et Musée du Berry , 1994.
C’est à nouveau le jardin et l’exubérance de la nature qui vont lui redonner le désir de se remettre au travail. Le 5 juin 1992 :
« Mais ce soir, il y eut une lumière sur tous les verts, les feuilles de roses trémières s’étageaient, quelques fleurs de pieds d’alouettes pointaient des roses pâles, des bleus soutenus.
Une lumière qui m’obligea à regarder, à aller transplanter les derniers plans achetés que je laissais traîner. Le jardin se gonflait de lumière, les fleurs des berces avaient grandi avec la pluie. Jean. Puis la nuit vint doucement. L’énormité de l’absence. »
Le travail se resserre de plus en plus sur le corps. Pour comprendre la richesse des œuvres de cette période et sans sacrifier au mystère de chaque sculpture, à leur complexité, revenons d’abord à cet art dont Jacqueline parle sans cesse dans ses journaux personnels : la danse. Elle est continuellement présente dans ses recherches.
Disons tout de suite que nous sommes dans un paradoxe : la danse est un art du passage qui induit une durée délimitée. Merce Cunningham écrit qu’elle n’est « rien que cet instant unique et fragile où vous vous sentez vivant ». Elle se heurte de plein fouet à une qualité attribuée à la sculpture : sa permanence. La danse n’existe que dans l’éphémère et se construit dans le corps en mouvement. Elle est constamment dans « un apparaître-disparaître.»
Or, Jacqueline Lerat précise, exprimant ainsi une sorte de regret, qu’elle ne travaille que sur « l’arrêté » : les corps sont debout, en tension, figés, même si dans leur verticalité, ils esquissent parfois un mouvement. Néanmoins, lorsqu’elle construit ce corps, Jacqueline dépose les boulettes d’argile, creuse, enlève, rajoute, redresse. Elle est dans l’instant du mouvement, dans un « aller vers ».
Lorsqu’elle a vu Merce Cunningham à la Maison de la culture de Bourges ou les ballets de Maurice Béjart, ou encore Pina Bausch, elle a découvert d’un coup ce qu’était la sculpture, ce qu’était la vie, l’existence, la jouissance de vivre. Sans le corps, il n’y a ni vie, ni danse, ni sculpture. Les corps en tension prennent pied sur la tournette, esquissent un début de mouvement, se lèvent, explorent les devenirs. Ils ne sont pas assujettis à une image, à un destin ou à une expression préconçue. Ils affirment un mouvement, « un aller vers » dans le temps et dans l’espace qui donne au corps d’argile, sa structure, sa permanence et sa fluidité. « Une fluidité énergie qui dans la danse circule du corps de la masse au mouvement, la trace en mémoire. Peut-être à l’atelier, j’ai pu percevoir la différence entre vivre et exister, l’instant fugitif où vous vous sentez vivant¹⁵ . »
1993 - le 25 juillet, le céramiste Lucien Petit assiste Jacqueline Lerat pour la 39 ème cuisson et l’assistera pour toutes les cuissons suivantes.
1994 – Bourges : « Hommage à l’œuvre de Jean et Jacqueline Lerat. » Rétrospective organisée à la maison de la culture de Bourges. (11.05 au 05.09). L’exposition est accompagnée l’édition d’un livre du cercle d’art (collection Le Pré). Il comporte un texte de référence du poète Bernard Noël sur la sculpture . Jacqueline reçoit le poète et écrit pour le livre de nouveaux textes sur le jardin.
1995 - En plus de la référence à la danse, ce que recherche Jacqueline et qu’elle exprime dans ses carnets de dessins, c’est la relation, la rencontre des autres. Le lien, la rencontre, la dualité, la déchirure sont les termes qu’elle inscrit près de ses esquisses. Pour Jacqueline Lerat, les liens qui se tissent entre les êtres rendent le monde possible. Mais cette vision du monde n’est jamais gagnée, c’est une conquête précaire. Depuis la mort de Jean, Jacqueline voit la vie en noir et en ombre, l’ombre de l’absence. Mais quand on a en soi une émotion très sombre, on peut aussi porter un sentiment lumineux. L’un arrive avec l’autre : elle sait retrouver « la ressource d’aimer encore un peu plus la vie pour que l’absent reste présent¹⁶ »
Elle crée des formes verticales : « Dans cette approche de la forme, je suis là avec mon corps, entièrement dans la construction de la verticale. La relation va-t-elle s’établir ? La présence du corps est dans la pulsion, il n’y a pas de représentation du corps mais l’essai d’une rencontre qui se fera peut-être […] Un indéfinissable à essayer de saisir. Un indéfinissable qui est sans être. Parce que sans contour, sans définition Être dans l’instant d’un mouvement Être avec le corps. Être dans l’ouvert¹⁷ . »
Jusqu’à 1998, ce sont des corps en forme de colonnes : « corps élancés », « verticales détournées ». La plupart sont séparés par une césure qui n’est pas forcément l’expression d’une déchirure mais l’évocation d’une dualité, d’une rencontre.
D’autres encore prennent appui sur un « désenjambement. » , terme qu’elle a inventé pour exprimer le mouvement.
Ces corps n’ont pas vraiment de visages : « Car si je devais produire un visage, il serait déchiré. La honte de ce qui s’est passé, de ce qui ne cesse de se passer. Je ne veux pas déchirer le visage, alors je l’efface pour essayer d’aller au-delà où nous avons peut-être un peu de bonté avec des blessures¹⁸ . »
Le visage est figuré par une expansion abstraite ou par une fleur. Parfois c’est le sexe qui fait office de visage. Le sexe féminin est présent dans beaucoup de sculptures, suggéré par une ouverture au centre de la sculpture jusqu’en son sommet. En 1998, parmi les sculptures en projet , apparaissent les « Corps ajustés ».
Au mois de février , elle écrit : « La pièce de ce jour, je pourrais la nommer l’un l’autre ». Ce sont deux formes posées l’une sur l’autre, deux corps juxtaposés, dressés comme un totem. Elle indique dans une note : « les pièces de la cuisson 2000 : superposer, l’autre, côtoyer, imbriquer. « Comme le pied nu du danseur en contact avec le sol le départ de la forme prend appui sur un léger désanjambement¹⁹ » . Une légère ouverture au sommet de la sculpture prend l’aspect d’une déchirure.
¹⁵ Jacqueline Lerat, journal, 2002.
¹⁶ Jacqueline Lerat, carnet de dessins 1995.
¹⁷ Journal, Septembre 2003.
¹⁸ Jacqueline Lerat, Journal, 1997.
¹⁹ Jacqueline Lerat, journal, 1998.
Elle crée aussi des petites pièces, en lien avec le mouvement. Les dessins préparatoires sont inspirés de corps de danseurs en mouvement. : le corps est réduit à deux formes géométriques rectangulaires évoquant la marche.
Depuis l’arrivée de Jacqueline et Jean Lerat à Bourges, on dénombre 43 cuissons : la première en 1955. La dernière a lieu le 18 septembre 2009: son fils Jean-François et le céramiste Lucien Petit ont cuit les dernières pièces après sa disparition.²⁰
1996 - Chauvigny (Vienne) : « Hommage à l’œuvre de Jacqueline et Jean Lerat », Château d’Harcourt.
1996 - Saint Avit, Lacapelle-Biron (Lot-et-Garonne), « Le bois, le feu, le grès », musée Bernard Palissy.
1997 - Voyage à Venise avec Maryse et Maurice Bouvet. C’est un rêve qui se réalise.
1998 - Cliousclat (Drome) : « Jacqueline Lerat, Anne Dangar, une rencontre,1942-1951 », conférence de Jacqueline Lerat, Rencontres de Cliousclat.
1998 - Troyes (Aube) : Exposition avec Claudine Montchaussée.
2000 - 1 er novembre, 41 ème cuisson. Après le défournement le samedi 4 novembre 2000, elle écrit : « Des corps dont la tête est absente, plus je les regarde, plus elle apparaît, les accomplissant, sans être obligée d’être là ²¹ .» Après l’épreuve du four, un nouveau cycle recommence. Il n’y a pas d’arrêt, ni de rupture, mais un rythme à prendre. Jacqueline remet de l’ordre dans l’atelier, retrouve ses carnets de dessins et prend à nouveau l’argile dans ses mains, sans précipitation, mais « avec les gestes et les pensées au plus près. »
Pour commencer à modeler une sculpture, Jacqueline a besoin d’un mot qui la guide et qui établit une relation avec la forme qui se construit. Si elle n’a pas ce mot, la forme lui échappe. « Ces mots autrefois étaient pour moi un peu confidentiels, maintenant je ne peux plus me passer de les écrire sur mes carnets. Comme si le mot allait être le noyau, juste l’étincelle dont le feu pourrait peut-être surgir ²² . » Modeler une forme, c’est comme écrire une histoire. Les mots que l’on retrouve sur les cahiers après la cuisson 2000 traduisent le désir de vivre l’éclat de l’instant, d’être pleinement en présence : « fleur », « ébranlement », « déflagration des sens », « jouissance », « éblouissement », « épiphanie » ...
²⁰ Jean -François Lerat , « Une pratique céramique », in « Jacqueline Lerat », Editions de la revue de la Céramique et du Verre, 2010.
²¹ Jacqueline Lerat, journal 2000.
²² Jacqueline Lerat, Journal 1999.
Plus le temps s’écoule, plus l’œuvre de Jacqueline Lerat est traversée par la fascination d'une plénitude existentielle - la " présence " – qu’elle s’efforce de saisir dans des instants de sa vie.
Elle puise la force irradiante de cette présence dans les émotions vécues dans le jardin ou lors d’une lecture, d’un spectacle de danse ou au cours d’une rencontre. Elle se nourrit alors du tissu des mots qu’elle écrit dans ses carnets, pour ensuite les revivre quand elle prend l’argile dans ses mains : « Le quotidien que j’aime c’est celui de la jouissance de l’instant, de la lumière qui jaillit juste à ce moment-là, si fugace dans la révélation du moment à guetter pour atteindre cette jouissance intérieure.
Très peu de choses et pourtant le tout.
Je suis restée un grand moment dans le fauteuil de la grande pièce à lire le roman de J. M G Le Clézio, Ritournelle de la faim. Autour de moi, les pièces étaient à leur place et offraient une musique, un rythme intime, le soleil envahissait le jardin ²³ . » Les cahiers de dessins regorgent de corps qui tendent les bras, corps dansants.
²³ Journal, 2002-2003.
C’est une marche en avant : « Tremblement de la pensée, l’écriture doit rester tremblante, pour rencontrer le monde », griffonne-t-elle, près du dessin. Ou encore : « Aimer, c’est sauter dans le vide de l’autre ». Les sculptures courent ou même éclosent : ce sont maintenant des tulipes qu’elle a observées au printemps dans le jardin et qu’elle a dessinées dans ses cahiers, puis modelées dans l’atelier. Elle écrit dans son journal : « Cette fleur que l’on dit tulipe et qui termine la sculpture : tête, sexe. Pour moi elle est un au-delà de la vision d’une fleur. L’intime. L’intime offert ²⁴ . »
En 2005, elle a chuté et s’est cassé le col du fémur. Le médecin lui a dit que pour guérir, elle devait abandonner l’atelier pendant quelques temps, se reposer et arrêter de s’agiter. Qu’à cela ne tienne, elle dessine de nouveaux corps, chancelants et même un tibia. Le tibia la laisse perplexe tout au long de sa construction qui est d’une grande complexité.
« Equilibres, déséquilibres. »
« Rattraper l’équilibre pour vivre ²⁵ »
²⁴ Journal, 2003.
²⁵ Carnet de dessins, 2005-2006.
Un photographe s’est déplacé pour un portrait destiné au livre « 8 artistes de la terre. » Il lui montre l’épreuve où elle se voit marcher dans le jardin. Elle s’aperçoit que son corps est complètement voûté et penché vers l’avant. Elle s’en amuse et sculpte une forme courbée comme la crosse de sa canne D’année en année, malgré les apparences, la vie est chancelante et parfois même un peu sombre. Ce sont les sculptures qui la maintiennent debout.
2002 - Baugé (Maine et Loire) : « Hommage à Jacqueline et Jean Lerat », Musée d’art et d’histoire.
2003 - Décès d’Elisabeth Joulia.
-2 novembre : 42 ème cuisson
2004 – Nançay (Cher) : « Robert Deblander, Elisabeth Joulia, Jacqueline Lerat, Yves Mohy. » Galerie Capazza. (20.03 au 04.07).
Gérard Capazza souhaite faire une exposition des céramistes des grès naturels de La Borne qu’il apprécie depuis son installation à Nançay (Cher). Ils sont méfiants face au foisonnement de la peinture exposée. C’est sa femme, Sophie Capazza qui convaincra Jacqueline Lerat de participer à ce projet. Pour Jacqueline c’est retrouver des amitiés anciennes qui ont souvent été proches dans de nombreuses expositions. L’exposition montre des artistes certes âgés mais au sommet de leur créativité.
C’est un succès avec l’achat d’œuvres par Antoinette Hallé du musée national de la céramique de Sèvres. Bernard Dejonghe convainc Anita Besson qui dirige à Londres la galerie la plus en pointe pour la céramique du monde occidental de venir la visiter et de rencontrer Jacqueline. C’est un coup de foudre entre les deux femmes et rapidement un projet d’exposition à Londres est programmé. Cela illuminera la fin de vie de Jacqueline Lerat.
2004 - 43 ème cuisson.
2004 - Décès d’Yves Mohy.
2005 - Jacqueline Lerat se fracture le col du fémur.
2006 - 25 novembre : 44 ème cuisson.
-Jacqueline Lerat voyage en Provence avec son fils Jean-François et Esther Martinez, à la rencontre de céramistes amis et d’anciens élèves.
2007 – Londres - « Jacqueline Lerat », exposition personnelle, galerie Besson.
2007 - Noël. Jacqueline a 87 ans.
« Cet autre moi-même que je suis devenue – au-delà de l’impression ²⁶ .
L’approche d’une réalité.
J’ai été et maintenant c’est autrement ²⁷ . »
La maladie l’envahit lentement.
²⁶ Ibid.
²⁷ Ibid.
2008 – Novembre. Dernière pièce.
2009 - Jacqueline Lerat s’est éteinte le 3 février, le jour de l’anniversaire de son mariage avec Jean.