Le musée Chillida ouvre à nouveau ses portes

Vendredi 22 février, 2019, 3:32 Europe/Paris | Actualisé : Lundi 15 janvier, 2024, 13:38
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Arco de la libertad - Askatasunaren arkua - corten altzairua, 1993
©Zabalaga Leku. Donostia, VEGAP, 2019. Eduardo Chillida Ondorengotza eta Hauser & Wirth. Argazkia Mikel Chillida
Arco de la libertad - Askatasunaren arkua - corten altzairua, 1993

Fermée au public depuis 2011, la propriété du pays basque espagnol, voulue par Eduardo Chillida comme le lieu de découverte de son oeuvre, réouvre enfin ses portes au public. Un événement couronné d'une exposition, prélude au classement de la sculpture Peine del viento XV au patrimoine mondial de l’Humanité.

Chillida Leku, "le lieu de Chillida" en basque, est un espace de 11 hectares marqué au sceau de l'artiste par une quarantaine de sculptures. Elles nous racontent, à travers Buscando la luz I - A la Recherche de la Lumière -, tout l'intérêt de Chillida pour ce petit bout du territoire. Organisée par son fils Ignacio Chillida et l’équipe de recherche du musée, l'exposition fonctionne en miroir à la vie de l'artiste. Baptisée Echos, elle piste l'itinéraire du sculpteur à travers un ensemble d'oeuvres en fer, en acier corten, en granit, en plâtre et en papier, placés çà et là dans le parcours de l'exposition et agrémentés de documents d'archives, de manuscrits et photographies. 

San Sebastián aller-retour

Lorsque Chillida et sa compagne Pilar Belzunce visitent la ferme Zabalaga dans les années 80, la bâtisse d'Hernani dans les environs de San Sebastián n'est encore qu'une simple maison traditionnelle basque du 16e siècle. Chillida, lui, est un artiste international. Entré au Panthéon des grands sculpteurs, il a semé ses sculptures monumentales dans plus de 40 villes du monde.



Il est loin déjà le temps où l’enfant du pays, né en 1924 à San Sebastián d’un père militaire et d’une mère musicienne, rêve de devenir joueur de football en regardant la Baie de la Concha. Et s’il entre bien au Real Sociedad comme gardien de but, une blessure au genou l’écarte bien vite de cette première carrière. C'est aussi à ses études d'architecture qu'il renonce. C'est aux Beaux-Arts de Madrid qu'il veut entrer. Un pas franchi en 1947 !  Chillida a trouvé sa voie et veut devenir sculpteur. Comme beaucoup d'artistes de cette époque, c'est à Paris qu'il vient faire ses premières armes dès 1948. Il y rencontrera Brancusi dont l'influence sera considérable sur son oeuvre. Mais l'époque est aussi à la philosophie, aux réflexions sur l'Homme et la création. Gaston Bachelard, l'auteur de la Psychanalise du Feu annonce à son sujet : "le sculpteur est devenu forgeron".



Revenu au Pays Basque en 1951, c'est déjà à Hernani qu'il installe une première fois sa forge. Dans un rapport avec la question de la poétique, Chillida a fait sienne cette phrase de Boileau tirée de l'Art Poétique : "Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, Polissez-le sans cesse, et le repolissez, ajoutez quelquefois, et souvent effacez". Abstrait, il déploie une technique qui, à force d'entêtement, devient sa marque de fabrique : un jeu sur le vide et le plein, le positif et le négatif... C'est finalement dans cette ferme de Zabalaga, toujours à Hernani, qu'il se pose définitivement. Avec Pilar, ils mettront 15 ans pour en modeler le paysage, tous deux aidés dans cette tâche par l'architecte local Joaquín Montero qui reconfigure la maison en espace d'exposition.

Lo profundo es el aire, Estela XII - Sakona airea da, Hilarria XII - granite, 1990, Zabalaga baserriaren hego-mendebalalde aurrealdean.
Lo profundo es el aire, Estela XII - Sakona airea da, Hilarria XII - granite, 1990, Zabalaga baserriaren hego-mendebalalde aurrealdean.
Le classement de Peine del Viento

Signe d'un regain d'intérêt et d'une volonté familiale de présenter le travail de Chillida contre vents et marées après une fermeture pendant quelques années, l'exposition ajoute aux sculptures déjà intégrées au musée, un ensemble de pièces rarement exposées, issues de collections privées ou de grandes institutions. La Fundación La Caixa, le Museo Reina Sofia et quelques collectionneurs ont ainsi largement participé à ce projet d'envergure nationale, stratégique tant par sa portée identitaire que touristique. Cet apport extérieur est aussi venu, comme il se doit, célévrer et appuyer le classement de la sculpture Peine del Viento, annoncé le 15 février dernier. Cette pièce majeure, installée en 1977 au bout de la plage d’Ondarreta, à quelques minutes du Chillida Leku, est devenue l'emblème de la ville de San Sebastián. Elle semble désormais affronter et résister à la puissance des vagues et du vent pour l'éternité. De quoi demander son entrée au patrimoine mondial de l'Humanité établi par l'Unesco... Pour ce faire, Chillida Leku s'est également lancé dans un vaste programme de rénovation, complétant l'existant d'un ensemble d'équipements adaptés à la réception du public.

Peine del viento XV - Haizearen orrazia XV - corten altzairua, 1977, Donostian
Peine del viento XV - Haizearen orrazia XV - corten altzairua, 1977, Donostian
Le mouvement New Perrenial au coeur de la restauration

Très impliquée, la succession d'Eduardo Chillida veille à ce que la restauration du lieu respecte la vision de l'artiste. Aux commandes, l'architecte Luis Laplace, basé à Paris et spécialisé dans les projets liés à l'art et à la culture, mais aussi Jon Essery Chillida, petit-fils du sculpteur lui-même. Ensemble, ils ont également invité le paysage néerlandais Piet Oudolf, pionnier du New Perennial Movement, à venir participer au projet pour y introduire des éléments paysagers subtils que n'auraient pas renié Chillida. Réputé pour ses interventions sur le jardin Lurie à Chicago et la High Line à New York, Piet Oudolf, sa conception de l'espace repose sur des principes écologiques réinventant une nature qui, sans se limiter à un décor, s'apparente à un véritable écosystème naturel.

Eduardo Chillida Buscando la luz I - Argiaren bila I, corten altzairua, 1997 - eskulturaren barruan lehengo herdoiltze faseetan
Eduardo Chillida Buscando la luz I - Argiaren bila I, corten altzairua, 1997 - eskulturaren barruan lehengo herdoiltze faseetan
Vendredi 22 février, 2019, 3:32 Europe/Paris | Actualisé : Lundi 15 janvier, 2024, 13:38