Foncteur d'oubli ou la réification de l'oeuvre d'art

Le Frac Ile de France reçoit son nouvel invité : Benoît Maire. Pas pour une belle rétrospective telle qu'elle a déjà eu lieu au CAPC en 2018. Mais pour tenir le rôle de commissaire d'exposition et convier artistes, designers et architectes de ses amis à investir les salles du Plateau dans le 19e arrondissement.
Foncteur d'oubli : le titre de l'exposition pourrait paraître énigmatique à plus d'un. Benoît Maire, flirtant entre art et philosophie, fait ici référence à une opération mathématique qui déplace les objets d'une catégorie à une autre en oubliant certaines de leurs propriétés. Ainsi une chaise peut-elle devenir oeuvre d'art et une oeuvre d'art peut-elle se muer en simple objet égaré parmi d'autres sur un trottoir : des Mallet-Stevens voisinent ainsi avec l'étonnant trône "Iceberg Throne" d'Ortamiklos ; une console de Giacometti, rendue à sa fonction usuelle sert désormais de présentoir à une maquette d'architecture du projet Ruins Studio de Nathanaël Dorent ; une armoire métallique de Mauricio Cattelan, au statut d'oeuvre, redevient fonctionnelle en ouvrant sur la salle de repos du personnel de médiation du Plateau... Ces juxtapositions sont toute la clé de l'exposition, créant des jeux de correspondances et des situations cocasses. En somme, une vaste entreprise de déstabilisation du visiteur...

Filant la métaphore de ce glissement d'une catégorie à une autre, l'exposition s'est également construite comme un assemblage d'expositions. Dans chaque pièce, comme s'il s'agissait d'une exposition personnelle, les oeuvres de Christopher Orr occupent le centre du mur. A celle-ci se superpose avec malice une exposition de design. "Et si nous ajoutons des pièces d'architecture, nous alimentons une exposition d'architecture...", confie l'artiste. Si chacune des expositions a une logique différente, elles finissent par se mélanger et créer leur propre unité et former un tout : l'exposition Foncteur d'oubli.

