LUTUM

Mercredi 24 septembre, 2025, 6:18 Europe/Paris | Actualisé : Dimanche 12 octobre, 2025, 11:35
L'Art est à nous !
La Minute Arty
Visites d'expositions
Javier Carro Temboury, Intercontainers (Desert Tales), 2025, Second-hand ceramics, industrial cut, 51 x 83 x 11 cm
© Salim Santa Lucia
Javier Carro Temboury, Intercontainers (Desert Tales), 2025, Second-hand ceramics, industrial cut, 51 x 83 x 11 cm

Lutum est une exposition conçue à deux voix, réunissant les univers d’Alexander Rączka et de Javier Carro Temboury. Son titre, du latin lutum, qui signifie « boue », rappelle que le nom antique de Paris, Lutetia, trouve lui aussi son origine dans cette matière première. La boue, à la fois fertile et instable, devient ici une métaphore partagée : celle d’un sol commun, d’un terreau où se mêlent histoire, mémoire et fictions.
 

À une centaine de mètres coule la Seine. Ses crues successives et l’érosion des berges font émerger des artefacts enfouis, que le limon exhume peu à peu. Lorsque les eaux se retirent, elles entraînent dans leur sillage troncs, caddies et machines à laver, laissant derrière elles les vestiges d’un passé englouti. La pratique d’Alexander Rączka se déploie de manière transversale, intégrant au sein même de la peinture une diversité de médiums qui en élargissent les possibilités expressives. Certaines de ses séries naissent d’un travail de recherche en milieu urbain, où l’artiste collecte des formes iconographiques déjà présentes dans l’espace public tout en observant celles qui apparaissent de façon plus émergente. La ville apparaît comme un marécage vivant, les vestiges engloutis se mêlent aux ruines contemporaines, une sédimentation continue est à l’œuvre, tissant un réseau d’échanges spatio-temporels entre lieux, objets et individus. La vase devient alors un espace de mémoire, où se révèlent autant les affects que les symptômes de la ville.
 

Sur cette même rive, Javier Carro Temboury convoque une autre image archaïque : celle d’un humain qui aurait façonné la boue argileuse pour la première fois presque intuitivement, sans y penser vraiment, oubliant sa forme près du feu, avant de la retrouver durcie. Geste accidentel, geste fondateur : la boue, une fois cuite, devient irréversible.
 

Javier Carro Temboury collecte et détourne des objets trouvés, en particulier des fragments de céramique, pour en révéler la charge historique et symbolique. Ces matériaux, porteurs d’usages quotidiens ou de mémoires oubliées, deviennent le point de départ d’assemblages qui mettent en tension tradition et innovation. De l’urne funéraire aux briques de construction, des tuyaux d’eau aux vaisseaux spatiaux, l’humanité a prolongé sa propre existence dans cette matière transformée, outil et mémoire de sa civilisation.
 

Ainsi, la boue nous relie. Dans la vase contemporaine comme dans le foyer archaïque, elle conserve et elle invente, elle enfouit et elle révèle. Elle nous offre des fragments de nous-mêmes, ces affects que nous tissons avec les objets, les images, les ruines et les flux, tout en ouvrant un récit commun où se rejoignent la ville, ses maladies et ses possibles, et l’origine même de la civilisation.
 

Lutum interroge ce passage entre sédiments du présent et gestes premiers, entre ce qui s’efface et ce qui demeure. Elle invite à penser la boue non pas comme un résidu, mais comme une matrice : un espace de révélation, de résurgence et de réinvention.

 

16 OCTOBRE - 8 NOVEMBRE 2025, 

GALERIE  JOHN FERRÈRE

18 RUE DAUPHINE I PARIS

L’exposition est ouverte du mardi au samedi de 11h à 19H.

Mercredi 24 septembre, 2025, 6:18 Europe/Paris | Actualisé : Dimanche 12 octobre, 2025, 11:35