Déplacée Amlan Aiouo

La L Association et sa L Galerie, en partenariat avec le cabinet Éthique Art Conseil, ont la joie de présenter l’exposition individuelle Déplacée de la peintre Amlan Aiouo, dans le cadre de l’événement « AFRIQUE ART UP – Lumière sur l’art ivoirien ».  

• Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis Amlan Aiouo, 26 ans, Ivoirienne vivant en France depuis 2017. Journaliste culturelle de profession, je me suis également découvert une passion pour la peinture en autodidacte depuis 2020. Je suis née à Bouaké, et j’ai grandi entre Abidjan et Grand-Bassam. Au-delà de mon engagement artistique, je porte les valeurs de l’afro-féminisme * et de l’écologie. 

• Peux-tu nous en dire plus sur ta pratique artistique ?      

Étant autodidacte, ma pratique est principalement guidée par la curiosité et la spontanéité. La peinture étanche ma soif de découverte en me permettant d’un besoin d’explorer des thématiques intimes. Je construis la trame de mes compositions en me basant sur des souvenirs, des photos, mais aussi des éléments tirés d’œuvres qui m’ont marquée. 

• Qu’est-ce qui t’inspire quotidiennement dans ta production ?     

Je m’inspire principalement de mes expériences personnelles, de ma vie de femme noire, ivoirienne, immigrée. Je suis influencée, dans la retranscription de ces expériences par mes lectures de fiction ou d’essais comme ceux d’Angela Davis * ou de Roxane Gay *. Par ailleurs, le style visuel de grandes artistes peintres comme Frida Kahlo et Suzanne Valadon, ainsi que la représentation des thèmes religieux et mythologiques, me fascinent.   

• Est-ce que ta pratique artistique est une arme pour dénoncer une situation ou pour évoquer quelque chose de spécifique ?     

Je ne vois pas mes œuvres comme des outils de revendication mais je mets un point d’honneur à représenter des réalités qui, pour moi, méritent un rayonnement plus important dans l’art ivoirien. Selon moi, il est crucial de représenter des corps de femmes noires plus réalistes, par exemple. De même, les problèmes de santé mentale, croissants parmi les nouvelles générations, sont souvent mis sous le tapis, dans nos sociétés africaines. Or, il me semble particulièrement important de les aborder.   

• Comment définirais-tu ta pratique en deux mots ? Pourquoi ?      

Organique et authentique. Ma seule prétention est d’être fidèle à ma vision de départ et de rester moi-même : inutile de m’imposer en représentante de causes ou d’expériences qui me sont étrangères pour faire de l’art africain, de l’art ivoirien. Ce qui émane naturellement d’un artiste est de facto un témoignage important de ses origines et de ses influences, c’est ce à quoi j’aspire. 

• Parle-nous des œuvres que tu vas présenter lors de l’exposition.  

Dans la série « Déplacée », j’explore les mouvements, aussi bien géographiques que psychologiques, de mon existence. Mes œuvres reflètent à la fois les traumatismes, les questionnements et les angoisses qui m’animent. Témoignages profondément intimes, elles font écho à l’histoire de mon pays, au chemin suivi par d’autres jeunes Ivoirien.ne.s avec moi. Je voyage dans mon enfance, effleurant les souvenirs perdus en fuyant la guerre et plongeant dans la nostalgie du refuge qui m’a accueillie.    

Dans une tentative de reconnexion avec ce passé fragmenté, j’évoque l’expérience du point de vue des adultes de l’époque, avant de me confronter à ma propre expérience, à mon tour arrachée au confort de ma maison par l’immigration. Ce dernier déplacement, marqué par une solitude sacralisée, réveille des questionnements existentiels auxquels on ne peut pas réellement répondre.    

*  L’Afro-féminisme est un mouvement intersectionnel qui lutte pour l’égalité des femmes noires en reconnaissant les multiples formes d’oppression (racisme, sexisme, etc.) qu’elles subissent en raison de leur genre et de leur couleur de peau et en tentant de proposer des solutions.      

* Angela Davis (1944-...) est une militante, auteure et universitaire afro-américaine renommée, reconnue pour son engagement indéfectible en faveur des droits civiques, de la justice sociale et de la lutte contre le racisme, le sexisme et d’autres formes d’oppression.   

* Roxane Gay (1974-...) est une écrivaine, critique et universitaire afro-américaine reconnue pour son travail influent qui explore les intersections des origines, du genre et de la sexualité, offrant des perspectives puissantes sur les questions de justice sociale et d’identité.