40 ans du Frac ! Exposition Gunaikeîon Exposition collective
Frac Île-de-France, les Réserves
43 rue de la Commune de Paris
93063 Romainville
France
Frac Île-de-France, les Réserves & Fondation Fiminco, Romainville
Commissaires : Jade Barget, Daisy Lambert, Camille Martin, Céline Poulin & Elsa Vettier
Pour les 40 ans des Frac, il s’agit à la fois de repenser l’histoire de l’institution, écrite notamment par le biais de sa collection, et de tendre vers des futurs communs et désirables.
L’exposition Gunaikeîon invite plusieurs commissaires à écrire leur propre récit à partir des œuvres de la collection et dans la rencontre avec d’autres œuvres invitées. Traditionnellement, le gunaikeîon était l’appartement, dans les maisons grecques et romaines, où les femmes passaient la plupart de leur temps et qui se situait à l’écart, afin qu’elles n’aient aucun contact direct avec la rue. Avec cette exposition, il s’agit au contraire d’ouvrir les espaces des Réserves du Frac et de la Chaufferie de la Fondation Fiminco aux quartiers alentours et aux bruits du monde. L’exposition se déploie en plusieurs chapitres où les commissaires proposent une actualisation de la collection à l’aune de leurs obsessions respectives, ancrées dans la société contemporaine.
Joue ou Perds
Céline Poulin
Une institution ouverte sur son environnement est une institution mobile qui accueille les subjectivités qui la composent (artistes, équipes, publics, gouvernance…) et organise un vivre-ensemble, crée du commun. Cela passe par la mise en place d’artifices, c’est-à-dire de règles permettant de partager un langage, des lieux, des émotions. En effet, le rapport des personnes entre elles autant que celui de l’humanité avec le monde se construit comme une fiction. On fait « comme-un », comme si on était un. Cet exercice est au centre des pratiques artistiques de co-création, participatives ou collaboratives, qui peuvent impliquer du public, des groupes amateurs ou amicaux. La place et le statut de chaque personne, les récits individuels et collectifs, les processus d’échanges, de don et contre-don se combinent pour inventer ensemble…
L’indication « jouez », figurant sur Joue ou Perds de Claude Closky, nous invite à relancer presque à l’infini le dé, sans aucune possibilité de gain, comme le fonctionnement du don théorisé par Marcel Mauss. Évolutif et activé durant toute la durée de l’exposition, ce chapitre réunit d’autres œuvres de la collection ou hors collection évoquant les mécanismes du jeu, de la pédagogie, de la transmission…
Proposé par Céline Poulin, ce chapitre en plusieurs temps se construit avec les usagers et usagères du Frac, les partenaires locaux, le voisinage du quartier et les partenaires culturels, mêlant pratique professionnelle et amateur. Les voix des uns, des unes et des autres se mêlent pour narrer le monde.
Mes mensonges sont aussi les vôtres
Camille Martin
Le polar est lui aussi joueur. L’intelligente articulation de son récit initie un jeu. Dans la littérature autant que dans le cinéma, ces histoires engagent les lecteurs et lectrices et spectateurs et spectatrices à s’amuser du visible. Il s’agit d’observer minutieusement ce qu’il y a là, sous nos yeux, parfois dissimulé ; avec toujours en tête la quête de la vérité.
Partant de la peinture Énigme 17 de Jacques Monory (1995), appartenant à la collection du Frac Île-de-France, Camille Martin met en scène une enquête. À la manière des schémas narratifs propres à la littérature et aux films policiers, l’exposition devient un espace de simulation et de spéculations. Tout comme le polar, les œuvres exposées se jouent du réel et de l’illusion du réel. En dépit du caractère figuratif des peintures exposées et de la supposée vérité du médium photographique, ces images possèdent un mystère propice à s’inventer des histoires. L’exposition réunit une jeune génération d’artistes face aux œuvres de la collection du Frac Île-de-France allant de 1972 à 2012, pour essayer de saisir ce qui fascine dans ces formes qui en montrent beaucoup, mais n’en disent pas forcément plus.
Ascendant idéal
Elsa Vettier
Cette question de la communication, ou de la non-communication, est au cœur du chapitre Ascendant idéal. Issu de la collection du Frac Île-de-France, le portrait en noir et blanc de l’actrice Natalie Portman adolescente fait partie d’une série d’images acquises par Richard Prince sur Internet. À l’autographe supposé de la star, s’ajoute la signature de l’artiste au bas de la photographie comme s’il était à la fois le destinataire et l’auteur de cette image, l’admirateur et le créateur. Inspirée par cette œuvre, sorte de conversation fantasmée à sens unique, Elsa Vettier propose une lecture de la collection placée sous le signe de l’attraction, de la manipulation et de la friction. Sans qu’elles ne traitent nécessairement des mêmes sujets, les œuvres réunies prennent la forme de dialogues ou de reprises et évoquent les dissonances et les mécanismes d’influence et d’envie qui organisent nos rapports aux autres.
Sérum Radiance
Jade Barget
Ces mécanismes d’interdépendance se retrouvent également au cœur de notre relation avec la planète. Le film Perfect Lives d’Agnieszka Polska, issu de la collection, s’inspire de la mission d’étude menée par la sonde Galileo sur l’atmosphère de Jupiter, caractérisée par son absence de limite stricte et sa fusion progressive avec la masse gazeuse de la planète. En reprenant ce modèle de planète-atmosphère, l’artiste propose une vision de l’atmosphère terrestre au-delà de sa dimension chimique, notamment à travers les enjeux géopolitiques qui la définissent. Le chapitre de Jade Barget se construit sur cette compréhension de l’atmosphère et fait dialoguer une sélection d’œuvres portant sur la construction et l’étude d’écosystèmes avec des œuvres d’artistes invités mettant en avant les écologies toxiques dont l’humanité fait entièrement partie. Intitulé en référence à la culture des soins esthétiques, Sérum Radiance trace des parallèles entre l’émergence de ces ambiances nocives et la conception mercantile actuelle du bien-être et du confort.
Apprendre et s’enfuir
Daisy Lambert
Et après ? Daisy Lambert s’inspire du roman de science-fiction afrofuturiste, L’Aube d’Octavia Butler, 1er volume de la trilogie Xenogenesis. L’autrice y dépeint un monde post-apocalyptique où les êtres humains ont quasiment tous disparu dans une grande guerre meurtrière. Seuls quelques-uns sont sauvés par une espèce alien, les Oankali. L’Aube est le monde d’après celui que nous ne connaîtrions pas encore. Un monde a priori chargé d’espoir et de renouveau redéfinissant les liens humains et inter-espèces. Dans le roman d’Octavia Butler, l’humanité survit uniquement en s’adaptant à des changements radicaux. Mais comment est le monde du « crépuscule », celui de notre temps traversé par de multiples crises ? À travers quelques œuvres de la collection et d’autres pièces d’artistes de la scène contemporaine française, ce chapitre explore le monde de L’Aube et du « crépuscule ». Ils seront mis en regard pour souligner la permanence des dynamiques de domination, de dépendances et le désir de s’en émanciper dans toutes formes de sociétés.