Alvorada Carolina Martinez
L'exposition que Carolina Martinez présente à la Galerie Ilian Rebei est comme un jalon, à la fois sommet et rupture dans sa production. Une continuation et aussi un nouveau départ. Dans cette Aube de l'artiste brésilienne - sa première exposition personnelle sur le continent européen - nous sommes amenés à faire l'expérience, dans l'ensemble de dix œuvres de différents formats, de sa production récente, encore inédite, d'un lieu entre le réel et l'inventé, exploré par l’artiste en un peu plus de dix ans de production.
Carolina a construit un ensemble d'œuvres qui se présentent comme des provocations - du plan pictural, de l'image, de l'espace et, peut-être surtout, du regard. Les espaces architecturaux et les surfaces urbaines ont toujours occupé une place fondamentale dans ce processus. Les espaces construits par l'artiste sont le résultat d'une recherche d'images d'architecture, notamment moderne, au Brésil et à l'étranger. Certaines de ces images ont été réalisées par des tiers et d'autres par l'artiste elle-même. La grandeur physique et historique de ce type de construction contraste avec les angles inhabituels que révèlent les peintures, les photographies et les collages de Carolina, qui soulignent généralement le vide et une sorte de mélancolie ou de frustration. C'est curieux car, bien qu'il s'agisse d'œuvres où le corps humain n'apparaît jamais visuellement, les angles et les coupes qu'elles présentent, seul un corps présent dans l'espace pourrait les percevoir et les révéler.
C'est comme si une certaine rationalité et pureté du projet moderne étaient laissées de côté pour pointer vers l'expérience du corps qui habite cet espace, et même pour comprendre cet espace comme une sorte de corps, avec sa propre personnalité et ses caractéristiques. Angles, échelles, cadrages, application de feuilles de bois et logique modulaire de certaines œuvres sont les moteurs des provocations de l'artiste, au plan pictural, à la surface de la peinture, mais aussi au regard du spectateur lui-même. Comment est-il possible de redécouvrir des lieux qui semblent à la fois si proches et si indifférents ? Un espace qui semble osciller entre souvenirs et oubli.