Carambolage à l’ouverture de la pétanque cosmique ! Maxime Duveau
Pour sa nouvelle exposition, Carambolage à l’ouverture de la pétanque cosmique, Maxime Duveau ouvre de manière inédite ses recherches graphiques à l’expérimentation chromatique.
Les vinyles découpés ajustés aux baies vitrées opèrent comme des vitraux colorés et reconfigurent l’espace du dessin dans toutes ses dimensions. Des motifs de paysages urbains et quelques bribes d’énigmatiques silhouettes reviennent comme les samples d’une musique répétitive dont Maxime Duveau explore les potentiels narratifs et les infinies variations, en jouant aujourd’hui aussi avec le prisme de la couleur.
Depuis une dizaine d’années, l’artiste puise dans un répertoire iconographique élaboré sur les clichés d’une Amérique des sixties fantasmée. L’archive photographique amorcée lors d’un road trip initiatique en Californie s’est poursuivie dernièrement à Conflans-Sainte-Honorine d’où il est originaire. L.A. regarding Conflans-Sainte-Honorine, remarque ainsi Maxime Duveau : « Les palmiers de Los Angeles viennent-ils vraiment de Los Angeles ? Plus le temps passe et plus je me pose la question. Tout en me demandant si Tarantino n’aurait pas pu tourner sa scène de hold-up dans Pulp Fiction au Jaune Orange au bout de la rue Piéplu plutôt que dans un diner du Sunset ». Polarisée entre réalité et fiction, une mythologie personnelle anachronique est tramée de ces recherches photographiques liminaires.
Les images-sources de ce même fonds sont également rappelées et réinvesties plastiquement selon diverses modalités techniques exploratoires. À la recherche d’heureux accidents, Maxime Duveau pousse à son comble les mécanismes de reprise, de transfert et de translation, d’un territoire graphique à un autre… Les manipulations successives — développées à partir de films découpés, d’impressions (numériques ou sérigraphiques), de tailles d’épargne, de reproductions de dessins et de vues d’expositions antérieurs, ou encore par détournements de processus photographiques expérimentaux (cyanotypie, inversion en négatif, surexposition… ) — sont mixées et se superposent comme des calques à d’autres zones encore rehaussées directement au fusain ou au crayon de couleur.
Les couches d’écritures graphiques interférent par transparence et opacité sur un même plan. Les échos retentissent aussi bien dans l’espace que dans le temps selon les règles d’une « pétanque cosmique » convoquée par l’artiste. En joueur initié, Maxime Duveau « fait des carreaux » : des motifs viennent heurter et remplacer ceux tirés lors de la partie précédente à la galerie Espace A VENDRE. Formes et contreformes sont répétées, en boucle et en décalé ; elles se donnent la réplique et ricochent visuellement dans l’espace de la feuille de papier ou de l’exposition elle-même, tandis qu’elles retentissent aussi en différé : réminiscences d’une généalogie graphique revenante.
A densité variable, les feuilletages d’écritures produisent de superbes effets de palimpseste. Par éclatement très organique de la partition iconographique, les stratifications visuelles élaborées par Maxime Duveau déjouent nos repères. Devant ces vertiges de signes, d’indices flottants et de signaux colorés, nous sommes désorientés. Parasitages, redoublements, mises en abyme, trompes l’œil… dessus, dessous… à tous les niveaux, surfaces et écritures s’enchevêtrent et se télescopent, via les réserves du papier qui se découvre lui aussi. S’agit-il de trames d’impression, d’estampages, de reproductions de dessins, du dessin lui-même vigoureusement crayonné ou discrètement estompé… ? Instable, le territoire graphique semble hanté par ses récits, ses repentirs, ses ombres projetées, et colorées.
Anne Favier 2022