Comme un rond dans un carré Nina Azoulay
Commissaire de l'exposition : Maëlle dault
La Project Room est le nouvel espace prospectif et expérimental du Frac qui prend place dans la dernière salle du Plateau. Elle offre la possibilité de restituer des projets de recherches, de diplômes, de bourses ou de résidences à des artistes français ou étrangers, habitant l’Île-de-France de préférence. Cette programmation réactive et flexible se construit également en dialogue avec les structures essentielles soutenant la création, et particulièrement la jeune création, mais aussi les écoles d’art et les universités franciliennes ou internationales.
Nina Azoulay est née en 1992 à Paris. Elle vit et travaille à Paris.
Diplômée de la section Art-espace de l’EnsAD en 2023, Nina Azoulay pratique l’installation, la sculpture, le dessin et une écriture fragmentaire qu’elle qualifie de « poésie empilée ». Elle utilise aussi bien des tissus de différentes factures et couleurs pris dans des blocs de plâtre, ou suspendus à des portants, des épingles à têtes rondes colorées, des cordages, des embrasses de rideaux, des sequins réfléchissants ou des images qu’elle archive. Son attrait pour le textile, envisagé comme une véritable peau, engage Nina Azoulay dans une recherche qui suscite des questionnements sur l’héritage, l’altérité, la perméabilité, la vulnérabilité, la limite ou le vertige.
Son installation réunit plusieurs sculptures préexistantes au sein d’une nouvelle et vaste installation conçue comme une scène. Nina Azoulay ne cesse de reconsidérer ses sculptures pour les réinvestir ailleurs, autrement. Le titre de l’exposition nous le rappelle, tout est contenu dans tout, Comme un rond dans un carré. Le réemploi de vêtements de l’enfance et la superposition d’étoffes délicates, associés à du plexiglass, du bois, du métal, des cordages et des poulies, modélisent des silhouettes féminines qui s’émancipent du sol. Le tissu est envisagé comme une parure séduisante, sursignifiant l’allure et l’appartenance à une communauté, à un genre. Si l’absence de corps contient une forme de spéculation autour de l’identité fictionnelle de ces créatures, le mystère réside dans notre éblouissement. Ces portées-disparues, dont il ne demeure que les élégantes étoffes tirées à quatre épingles, possèdent cette aura et ce rayonnement dont il est d’usage de qualifier les actrices ou les danseuses.
À mi-chemin entre une version minimale et amusée du ballet triadique d’Oscar Schlemmer et un faux inventaire des robes aux couleurs de la lune, du soleil et du temps du film Peau d’âne de Jacques Demy, Nina Azoulay semble nous convier à la générale d’une petite chorégraphie fantasmagorique, un défilé de mode aux accents fantomatiques. Côté jardin, se détachant du fond de scène, on aperçoit Rosalind. Dans le lointain, c’est Betty que l’on voit. Côté cour vers le mur, voici Olivia et puis, Salomé et enfin, Dorothée, ici associée à la lune qui se balance. Chacune possède des attributs spécifiques et une modalité d’apparition propre : fixée, portée ou suspendue, prise en tension au mur, ou encore accrochée. Les figures s’érotisent par le biais de leurs drapés, qui cachent ou révèlent leurs apparats éclatants. L’attention accordée par Nina Azoulay aux détails – les plis, certains roulés de tissus, leur tension ou leur lâché, leur association - font de l’ensemble des ornements choisis, des éléments séduisants et gracieux mais tout aussi structurels. Tout se tient sans couture, avec des épingles, des nœuds coulissants et rien n’est donc figé.
Deux petites stèles présentées au sol s’intègrent à la scène. L’une d’elle, du nom de Kasper, est une référence au dessin animé dans lequel le fantôme, malgré lui, fait peur à toutes celles et ceux qu’il rencontre. S’il parvient à se lier, Casper est constamment en quête de se faire des amis. La sculpture procède d’un séquençage loufoque faisant se succéder un bloc de plâtre recouvert de résine et des éléments de textiles pris en sandwich. Depuis le sol, le bloc tend à vouloir utopiquement s’élever grâce à de fins fils d’or reliés à une poulie, conviant la légèreté spectrale de Casper. Les conflits internes du personnage de cartoon sont ici rejoués tout comme la violence de l’actualité, à l’image de cette fleur - que l’on retrouve à d’autres endroits dans l’exposition- qui pousse au bout d’un tirage en plâtre de projectile de LBD.
Au sein de cette parade, Nina Azoulay investit une des colonnes en y appliquant des scotchs de différentes couleurs dans un mouvement circulaire qui requalifie joyeusement l’architecture. La colonne s’apparente alors à une friandise et ses motifs s’enroulent comme ceux des lignes colorées des sucres d’orge ou des berlingots.
Et si l’impossible se mêlait au possible ? Comme un rond dans un carré, nous côtoyons les fantômes, Comme un rond dans un carré, des tissus nous enveloppent dans une danse lumineuse, Comme un rond dans un carré, des fleurs poussent sur des moulages de projectiles de LBD, Comme un rond dans un carré, les projectiles se logent dans des tuyaux, Comme un rond dans un carré, leurs formes nous trompent, Comme un rond dans un carré, l’impensable devient réalité.