De près de loin Michel Mousseau
Ce qui est à voir est devant nous. Ça commence, comme pour l'artiste, par l'atelier. C'est dans ce lieu que se construisent les formes que nous voyons. Elles-mêmes bâtissent un univers que notre œil tente de déchiffrer. Y a-t-il quelque chose d'autre à voir que ces enchevêtrements de lignes et de cou-leurs? L'œil s'arrête sur les couleurs, comme absorbé par elles. Les pigments se libèrent de la toile et deviennent des volumes permettant la déambulation. On y sent la main du peintre, son choix, son œil et l'énergie qui a animé le pinceau ou la brosse. L'atelier est devenu ce champ d'expérience où le peintre a traduit en lignes et couleurs son lieu de travail.
Nous, spectateurs ou passants, y sommes invités. A nous de voir.
Différentes étapes ont marqué le parcours de l'artiste. Elles s'organisent dans le temps sur deux oppositions : le dedans/ le dehors d'une part et la couleur/le trait à la mine de plomb d'autre part. Ces deux pratiques ne donnent rien à voir de semblable, de proche, de ressemblant. Elles sont pourtant nées du même geste sur des supports différents, toile ou pa-pier.
La plus radicale de ces pratiques - en tout cas la plus surprenante - est sans aucun doute celle du trait à la mine de plomb. C'est dehors, dans la campagne ou au bord de la mer, qu'émergent des traits sobres, échevelés ou au contraire brouillés, densifiés, entremêlés. Sur le motif, les lignes que le peintre dessine sont des traces d'un monde que la couleur a quitté. Le peintre nous fait-il pressentir une forme de disparition ?
A l'opposé de cette absence, le peintre, de retour dans son atelier, choisit des pigments vifs auxquels il donne, dans de grands formats, un formidable éclat. Le support est dominé.
Le geste est ample, sans hésitation, sans lyrisme affiché, sans référent extérieur. L'œuvre se donne à voir sans arrière-plan, dans la somptuosité des couleurs. L'atelier est redevenu le lieu de la création.
Nouvelle expérience avec les Expansions. La couleur libérée prend toute la place. Les pigments l'ont fait éclater en une multiplication de petits, grands voire très grands formats.
La toile, envahie par la couleur devenue forme, est rendue quasi invisible. Le peintre l'a investie et s'y livre à une ex-pansion/extension de la peinture qui semble ne lui laisser, à lui le peintre, que peu de place. Reste son geste. Aucune hésitation. Le support est ici aussi dominé. Les pigments s'aventurent dans un chromatisme nouveau. Le peintre est toujours là mais il affirme autrement les fondements de la peinture : couleur, forme, fond, dessin.
C'est encore la couleur qui est convoquée dans le travail sur la forme d'un corps, d'un objet familier, dans un lieu clos qui devient à son tour atelier. Reconnaissables, ces présences saisies par le peintre n'en sont pas moins et avant tout l'aventure de la peinture.
Le travail de Mousseau apprend et donne à voir. Comment du papier ou de la toile naissent des mondes que l'imagination du passant élabore à son tour. Librement.
Madeleine Renouard
15/10/2024









