Eaux vives Jacques Renoir
Jacques est mon mari. Il me demande d’écrire un texte sur son travail. Plus précisément sur cette exposition, Eaux vives, dont je connais bien les photographies pour les avoir vues dans son atelier ou sur le terrain en train d’être prises.
J’accepte d’emblée, même si je suis dans une position doublement délicate en tant qu’épouse du photographe et participante à l’exposition. Nous avons en effet réalisé une œuvre en commun, un diptyque photographie-poésie. A lui les images, à moi les mots. Cette œuvre est Le Lac.
J’accepte d’emblée parce que j’aime ce qu’il fait. Et comment il le fait. Mais aussi parce que c’est l’occasion pour moi de porter sur ses images un autre regard, non plus contemplatif mais analytique. Et à sa façon, conforme à cet « au-delà du regard » dont Jacques se réclame.
J’ai sous les yeux l’ensemble de ses Eaux vives. Je les détaille longuement.
Il me semble qu’il y a dans ses photographies un double appel qu’on pourrait tenir pour contradictoire si l’on n’en éprouvait l’intensité. Ce double appel est celui de la fixité et du mouvement, de l’instant et de la durée, du suspens et du cours. En somme celui d’une statique et d’une dynamique.
Je regarde la photographie des enfants sautant dans les jets d’eau. Un arrêt sur image. Un élan qui se poursuit au-delà de l’image. L’arrêt ne bloque rien. Au contraire il exhibe dans une surprenante précision ce que l’œil ne peut saisir : l’égrènement de chaque goutte d’eau dans la verticalité d’un jet. Mais cette attention si prenante à la présence, s’allie à une impétuosité que rien ne peut empêcher. Or c’est là une constante de la pratique photographique de Jacques. Fouiller un point de vue en variant les techniques, les perspectives, les lumières, les couleurs, jusqu’à trouver ce point profond qui est la naissance d’une visibilité neuve. Et la lancer dans son mouvement propre.
Claude Montserrat-Renoir, Philosophe