Elle Chabal Marielle Chabal

La Galerie Alberta Pane a le plaisir de présenter dans ses deux espaces parisiens Elle Chabal, la première exposition personnelle dans une galerie de l’artiste française Marielle Chabal. Avec ce nouveau projet ambitieux, l’artiste investit les lieux en recréant entièrement une boutique marchande à la manière d’une installation in situ. L’artiste y dévoile une nouvelle série d’œuvres en céramique qui fait écho au projet QUEENS, un film actuellement en production qui explorera les traces indélébiles du patriarcat dans nos rapports au monde féministo-queer. 
 

Quarante-deux paires de chaussures à talons, des sacs et quelques accessoires en céramique, tous différents par leur taille, leur couleur et leur style, constituent la collection automne-hiver de la griffe Elle Chabal. Les modèles sont présentés sur des étagères, des socles et dans des vitrines, reprenant les codes d'une véritable boutique. Le titre de l’exposition pousse encore plus loin ce concept en jouant sur le nom complet de l’artiste, transformé ici en une marque fictive. 
 

En exposant uniquement des chaussures à talons inconfortables, mais qui augmentent la taille et accentuent le galbe de la jambe de celle (ou celui) qui les porte, Chabal interroge la relation entre la construction sociale de la féminité façonnée par le regard patriarcal et la douleur qu’elle implique. La célèbre injonction « il faut souffrir pour être belle » est ici matérialisée dans des objets impossibles à porter, non seulement à cause de leur matériau, le grès, mais aussi en raison de leurs proportions démesurées. Ces dimensions amplifiées renvoient à une esthétique queer, également évoquée par l’ajout de bijoux et de fourrures sur certaines paires. L’artiste questionne aussi l’idée de «xdevenir femmex», conçue comme une construction sociale impliquant douleurs et contraintes. Dans cette perspective, la féminité apparait comme un rôle imposé, souvent associé à la souffrance. 
 

Cet amoncellement de paires de chaussures dans le cadre recréé d’une boutique nous rappelle aussi l’idée de consommation sans limite, propre au système capitaliste. L’achat compulsif, le renouvellement constant des collections et la dépréciation de la durabilité sont ici critiqués. Face à cette logique de production rapide et jetable, l’artiste oppose une démarche fondée sur la lenteur, la mémoire des gestes et la pérennité des matériaux. Inspirée des savoir-faire artisanaux de la cordonnerie et de la maroquinerie de luxe, Chabal reproduit les gestes traditionnels du travail du cuir pour façonner la terre, puis cuit ses œuvres avec des émaux durables. Ce choix de matériaux et de techniques érige ses sculptures en véritables reliques, à rebours de l’obsolescence programmée des produits de la mode. 
 

Les projets de Marielle Chabal s’inscrivent dans la durée et se développent par étapes. En 2024, la galerie avait présenté des fragments de la première phase du projet QUEENS ; elle dévoile aujourd’hui Elle Chabal, correspondant à sa phase de production. Cette nouvelle exposition réunit des sculptures qui questionnent les mécanismes d’oppression des femmes et visent à libérer la parole autour de ces enjeux. À travers cette série de céramiques, Marielle Chabal explore les injonctions à la féminité, les dérives consuméristes et les formes de résistance face aux systèmes de domination.