Expériences Perceptives Grazia Varisco
À la suite de la participation de Grazia Varisco à la 59ème Biennale de Venise au sein de l’exposition internationale The Milk of Dreams réalisée par Cecilia Alemani, et de sa rétrospective au Palazzo Reale de Milan, Espace Meyer Zafra a le plaisir de consacrer à l’artiste italienne sa première exposition personnelle en France, Expériences Perceptives. Du 24 mai au 31 Juillet 2023, l’exposition réunira des oeuvres emblématiques de l’artiste des années 1960 aux années 2000.
« Parallèlement à sa fascination pour l'esthétique industrielle et la technologie émergente, Varisco s'est immédiatement concentrée sur la relation qu'une œuvre établit avec le spectateur, essayant de favoriser l'engagement par des stimuli cinétiques. » - Stefano Mudu, « Grazia Varisco, Technologies of Enchantment, The Milk of Dreams », par Cecelia Alemani, La Biennale di Venezia, Venise, 2022
Grazia Varisco est une figure majeure de l’art cinétique et programmé. Elle a été l’une des premières artistes à explorer des concepts tels que le mouvement et les changements dans le temps, tout en recherchant une interaction directe avec son public. Grâce à l’utilisation d’éléments simples, ses oeuvres habitent l’espace qui les entoure, créant différentes dimensions spatiales qui défient la perception du spectateur et désorientent les sens.
L’exposition Expériences Perceptives, explore des expérimentations réalisées par l’artiste perturbant les sens du spectateur. La perception consiste en une organisation psychologique complexe par laquelle l’esprit, en traitant les données visuelles et sensorielles, interprète sa représentation de l’objet en question. En évoquant l’oeuvre Gnom-One-Two-Three (présentée à Paris + Art Basel au Jardin des Tuileries en octobre 2022), Grazia Varisco décrit parfaitement le thème central de cette exposition : « Une oeuvre comme Gnom-One-Two-Three est pour moi l’occasion d’une expérience insolite de l’espace physique, de l’espace mental, de son existence, de son expansion possible, de sa mise à disposition de mon souffle et de mon regard, de son accueil à mon mouvement. ».
En 1960, Grazia Varisco rejoint ses amis de l’Accademia di Brera au sein du Gruppo T regroupant Giovanni Anceschi, Gianni Colombo, Davide Boriani et Gabriele de Vecchi. Fondé en 1959 à Milan, Gruppo T (T = fait référence au concept de temps comme nouvelle variable dans l’art) est l’un des groupes d’art cinétiques les plus importants, introduisant des formes d’art innovantes à travers la création d’expériences perceptives et d’environnements interactifs conçus pour générer des réactions inattendues chez le spectateur. Dès la fin des années 50, avec ses amis de l’Accademia di Brera, Grazia Varisco va tendre de plus en plus à insérer le concept de temps au coeur de son travail et à utiliser des matériaux industriels (comme en atteste son premier travail cinétique Tavole Magnetiche présenté à l’exposition Miriorama 6 du Gruppo T en février 1960). Les séries Schemi Luminosi et Reticoli frangibili présentées lors de cette exposition en sont le parfait exemple. Les oeuvres de cette première (exposées à la Biennale de Venise en 1964, 1986 et 2022) sont des formes mouvantes lumineuses activées par un moteur créant des illusions d’optique, des perturbations sensorielles. Les oeuvres de la seconde sont de simples traces de couleurs figurées au fond de l’oeuvre. L’effet d’optique ici est provoqué par les ondulations de ce verre si caractéristique des années 60-70. Au fil du mouvement du spectateur, le schéma fixe de prime abord, disparait, se reforme ou se transforme de façon imprévisible provoquant un fort sentiment de désorientation.
Au fil de sa carrière, Grazia Varisco effectue un dépouillement continu dans ses oeuvres. Le vide devient un élément essentiel pour la compréhension, ou plutôt la perturbation du spectateur. Le critique d’art italien Claudio Cerritelli décrit cela : « Entre 1975 et 1987, Grazia Varisco saisit dans le projet d'une géométrie tridimensionnelle ce vide indéterminé qui se dessine dans le piège du mur, entre des éléments qui s'appuient dessus et d'autres qui en font saillie, magnétisant les énergies environnantes. De l'intérieur de la pièce, les éléments habitent aussi l'extérieur, dans une idée virtuelle de sculpture qui dilate au maximum l'étendue physique et mentale de l'environnement, avec une grande tension angulaire vers toutes les dimensions du paysage. […] Même la dimension impalpable de l'ombre devient un instrument précis d'écriture de l'espace, une sorte d'évocation de formes virtuelles qui naissent du pliage des matériaux, de leurs angles, de la planéité du gonflement de leur apparente réalité. ». Le pli que Grazia Varisco va utiliser tout au long de sa carrière lui servira d’outil de création d’espaces, pleins ou vides (ex: Extralibro, 1975 ; Quadrangoli, 1990 ; Oh! All’angolo, 1997) et d’outil de création de formes virtuelles (ex: Implicazioni B/N, 1986 ; Meridiana, 1974 ; Gnomoni, 1985).
Les notions de perception et de vide qui ont traversé l’oeuvre de Varisco au fil de sa carrière seront illustrées métaphoriquement et visuellement par l’oeuvre Fillo Rosso, ou Fil Rouge (Fil rouge définition : il s’agit d’une idée directrice que l’on retrouve de façon récurrente et qui assure la cohérence d’un ensemble en se faisant point de repère.).
Au sein de cette exposition, le spectateur sera envoûté ou plutôt enchanté pour reprendre le terme utilisé par Cécilia Alemani pour intituler la section dans laquelle était Grazia Varisco lors de la 59ème Biennale de Venise.