
Henri Maccheroni : des attitudes sociocritiques à l'archéologie virtuelle Henri Maccheroni
On sait combien le rêve d'une sorte de totalité scripturale-picturale hante le travail de Michel Butor.
On connaît l'impressionnante quantité de livres d'artistes qu'il continue à faire jour après jour dans une exigence de totalité alchimique, dans un rêve de création et de savoir absolus. Parmi les très nombreux peintres avec lesquels l'écrivain a collaboré, Henri Maccheroni est sans doute un de ceux qui comptent le plus pour Michel Butor, peintre avec lequel il a bâti une véritable œuvre croisée. Henri Maccheroni a toujours tenu à placer « l'écrit au centre de son dispositif » et dans ses collaborations avec Michel Butor et il a refusé « le terme d'illustrateur qu'il considère comme réducteur ». Son intervention dans les livres de Butor consiste à accompagner l'œuvre écrite « par d'autres moyens ». « II s'agit, en fait, de créer une véritable équivalence physique au texte littéraire de sorte que les deux univers s'interpénètrent en une heureuse rencontre » qui est œuvre croisée (Tessa Tristan, 18).
Notons, c'est essentiel, que c'est Butor qui va le premier s'intéresser au travail de Maccheroni et chercher à rencontrer le peintre, justement parce que sa façon de traiter de la ville a retenu son attention dans la mesure où il y retrouvait quelque chose de sa propre démarche. Pour Maccheroni, le premier choc de la ville, c'est d'abord Nice, sa propre ville. C'est la première imprégnation, puis - cela étant sans doute lié à cette ville natale, qui comporte des sites archéologiques - il a commencé à s'intéresser à d'autres villes à fort passé archéologique. Il y a toujours un va-et-vient fécond entre la présence archéologique et la période plus vivante de villes actuelles qui continuent à vivre : « Quand nous flânons parmi les ruines / d'Herculanum ou Pompéi / nous essayons de repeupler / cette carapace vidée / de toute vie quotidienne / nous rebâtissons les plafonds / absents ou parfois remplacés / par de simples abris de tôle? ». C'est ce lien, cette tension entre permanence archéologique et vie d'une ville au présent qui intéresse Maccheroni. « Nos villes sont les futures ruines de nos descendants, nous serons et nous sommes déjà, une archéologie*». Et, curieusement, la visée archéologique, Butor la voit comme une façon de réhabiter des sites abandonnés, des villes mortes et d'y réintroduire de la vie. L'archeo-logie est une reconstitution : « Il nous faut tout reconstituer / à partir de fragments de textes / de peintures ou céramiques / en nous plongeant dans un abîme / de possibles tourbillonnants / où tout s'agite sans savoir / qu'un volcan va se réveiller / pour tout recouvrir d'amnésie».
Béatrice Bonhomme