Instances d'égarement Patrick Bécuwe
Les expositions peuvent être considérées comme des «façons de voir». En 1969 à la Kunsthalle de Berne H. Szeeman conçut la fameuse exposition «quand les attitudes deviennent forme». Cette prise de position originale et fraîche qui inaugurait une nouvelle pratique -celle d’un commissariat créatif faisant de l’exposition elle-même une création - s’est mué peu à peu dans une orthodoxie.
Ainsi encore aujourd’hui, les artistes seraient tenus de questionner la réalité (l’expression est H. Szeeman), voire de questionner la société, devenant les meilleurs alliés des sociologues (N. Heinich). Voilà l’instance orthodoxe à laquelle il est commun de se plier. Je reprends ici à mon compte l’idée qu’une exposition même personnelle est un tout autonome, une sorte d’objet chargé d’un sens précis et non une collection d’objets disparates réunis par une signature unique. Par contre j’ai l’ambition de questionner plutôt le spectateur et seulement à travers son regard le réel sinon la société. Je m’adresse donc à un objet «incarné», cet œil/cerveau individualisé qu’est le spectateur et mon projet est de l’égarer. Plus précisément il est de lui proposer des voies pour s’égarer : ce que je nomme des «instances d’égarements». Je désigne par ce terme des dispositifs trompeurs, générateurs de confusions et qui pourtant ont une allure de familiarité, obéissant à des codes de représentation des plus classiques. Art animalier, dessins et peintures de paysages, figuration d’objets, etc... P. B