Teresa Lanceta
Exposition
Gratuit
Dessin
Installation
Vêtement
Vidéo

« La mémoire tissée » Teresa Lanceta

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Musée d'art moderne de Céret
8 boulevard Maréchal Joffre, 66400 Céret
66400 Céret
France

Comment s'y rendre ?

Du 2 mars au 2 juin 2024, le Musée d’art moderne de Céret présente « Teresa Lanceta, la mémoire tissée », la première monographie en France consacrée à l’une des plus grandes artistes espagnoles contemporaines.

 

L’exposition adopte une approche chronologique et thématique retraçant le parcours artistique de Teresa Lanceta. Elle met en lumière ses œuvres textiles, de ses pièces historiques à ses productions les plus récentes. Cette monographie révèle également la variété et la richesse de la pratique artistique de Teresa Lanceta en présentant ses dessins, vidéos, céramiques et peintures. À travers ces œuvres, le parcours met en lumière la notion de mémoire, à la fois individuelle et collective, qui anime le travail de l’artiste. L’exposition s’ouvre sur les premières œuvres tissées par Teresa Lanceta au début des années 1980, au moment où elle fait le choix radical et audacieux du tissu, séduite par la ductilité de la laine et du fil. 

 

Teresa Lanceta est notamment attirée par les tapis ruraux marocains qu’elle découvre par l’intermédiaire de Bert Flint, anthropologue et collectionneur des arts marocains, à qui elle dédiera une série composée de sept tapisseries de grand format, Bert Flint I-VII (1997), présentée dans son intégralité au musée d’art moderne de Céret. Les pièces de cette série, à l’image d’œuvres tissées précédemment comme Barcelona – Plaça Reial, 13 (1984) tirent leurs motifs abstraits et leurs compositions des tissus traditionnels berbères. Teresa Lanceta en apprend la conception en vivant et travaillant auprès des communautés du Moyen Atlas durant les années 1980, fascinée par ce que les tapisseries révèlent de leur auteur. Dès lors, son travail explore les frontières entre le statut d’artiste et d’artisan, entre l’anonymat et l’art collectif, entre le caractère utilitaire et esthétique du textile. Les compositions et symboles qu’elle adopte témoignent d’un dialogue continu avec ce qu’elle observe au Maroc, en même temps que d’une franche liberté artistique, visible notamment par l’utilisation de couleurs vives, le rejet de la symétrie ou encore la superposition des motifs.

 

L’exposition présente également d’importantes tapisseries mêlant abstraction et figuration, à l’image de Jacob Soño (1984), prêtée le Museo Bellas Artes Gravina (MUBAG), ou Lluvia en Sevilla (1987). Inspirée par les paysages qui l’entourent aussi bien que par les récits berbères ou bibliques, Teresa Lanceta confère à ses œuvres une dimension universelle. Le parcours se poursuit par la présentation d’un ensemble exceptionnel de « tableaux cousus ». Ces tissus peints et cousus par l’artiste, produits à partir du début des années 1990, offrent une mise en lumière du support même du tableau. À contre-courant des peintres venant recouvrir le tissu de leur toile, Teresa Lanceta en fait un objet d’attention et un support actif. Si la couleur n’est pas exclue, l’artiste l’appose de manière à créer une transparence pour laisser visible la toile. Parmi ces « tableaux cousus » figurent notamment Esperando el porvenir #2(1993) dont le titre s’inspire de la chanson de flamenco Sentaito en la Escalera. Teresa Lanceta en fera le sujet de plusieurs de ses œuvres, dans lesquelles s’entremêlent peinture, fils de couture et silhouettes d’enfants dessinées. Les dessins de Teresa Lanceta, dont près d’une quinzaine est présentée dans l’exposition, se distinguent par la force de leur trait. Les lignes qui surgissent font apparaître des enfants aux attitudes mélancoliques voire inquiètes. À travers ces dessins, dont certains titres sont explicitement empruntés à des épisodes religieux tragiques comme Matanza de los Inocentes III ou El juicio de Salomón (1993), Teresa Lanceta s’attache à mettre en avant la fragilité de l’innocence. 

 

Variant les médiums, Teresa Lanceta a réalisé au cours de sa carrière plusieurs œuvres vidéos dont les deux premières sont présentées dans l’exposition. Urdimbre (2008-2009) se concentre sur la structure même des tapisseries en explorant les potentialités de la chaîne. Dans la pratique du tissage, la chaîne définit un ensemble de fils parallèles tendus sur le métier à tisser, entre lesquels le tisserand entrelace le fil de trame pour former le tissu. Dans Urdimbre, l’artiste juxtapose sous forme de vidéos une succession de photographies de différentes chaînes aux couleurs variées, entrecoupées d’images de tapisseries en cours de réalisation. Elles sont rythmées par le son du métier à tisser et des fils lors de l’assemblage, jusqu’à conférer à ces chaînes une véritable musicalité. Si la chaîne est statique par essence, obligeant le tisserand à adopter une posture similaire et à accomplir le même geste de manière répétitive, elle est aussi un moyen, grâce à sa dimension méditative, de développer une créativité et une liberté intérieure. 

 

Profondément enracinés dans les techniques traditionnelles du textile, le travail de Teresa Lanceta s’inscrit parallèlement dans l’histoire des avant-gardes et plus particulièrement dans celle de l’abstraction géométrique. Auteure d’une thèse sur les structures de répétition dans les textiles et l’art contemporain au XXe siècle, l’artiste possède non seulement une maîtrise exceptionnelle des techniques de tissage mais également une importante connaissance du travail de ses prédécesseurs et de ses contemporains. Cette section de l’exposition présente un ensemble d’œuvres aux compositions abstraites qui dévoilent les recherches de Teresa Lanceta autour des structures géométriques comme le damier, le triangle, le losange ou l’étoile. C’est à partir de ces différentes formes que Teresa Lanceta a créé plusieurs pièces tissées, comme La Orden de la banda (fragmento) (2004) mais également des dessins et céramiques. Celles-ci appartiennent à une série d’œuvres sur les tapis espagnols du XVe siècle développées par l’artiste à partir du milieu des années 2000. Reprenant le vocabulaire formel de ces tapis anciens, les œuvres de cette série posent un regard critique sur les rapports de pouvoir entre commanditaires et tisserands au moment où la Reconquista en Espagne prend fin. 

 

La dernière section de l’exposition est dédiée aux créations textiles les plus récentes de Teresa Lanceta, en particulier les œuvres des séries Franjas et El Raval, dont le titre reprend le nom d’un quartier cosmopolite de Barcelone où l’artiste a vécu. Les œuvres de cette série, conçues à partir de tissus cousus les uns aux autres à la manière d’un patchwork, se distinguent par la force de leurs couleurs. Les pièces rouges et oranges flamboyantes tranchent avec des tissus d’un noir profond. Ce contraste de couleurs fait référence à ce que l’artiste a observé et expérimenté dans le quartier multiculturel du Raval, l’un des plus denses de la ville. Elle y a notamment rencontré et noué des liens profonds avec des communautés gitanes auprès desquelles elle s’est imprégnée de leurs traditions orales et textiles. Les œuvres tissées de la série El Raval comme celles produites au Maroc, sont ainsi de véritables vecteurs de mémoires.