Le noir est une couleur Group Show
Réintroduit au XVIII ème siècle dans les visions infernales de Goya, puis entourant les fantasmagories informes infernales et chimériques d’Odilon redon ou de Victor Hugo au XIXème siècle, retrouvé par Manet dans les ombres de Vélasquez, le noir fut la paradoxale aurore du XXème siècle, alors qu’il s’annonçait comme le crépuscule du siècle précédent, symboliste et romantique.
Delacroix le coloriste n’avait pas dédaigné le noir, pas plus que les anglais Reynolds et Stubbs.
Et Baudelaire, en insistant sur la mélancolie des Femmes d’Alger, percevait peut-être un persistant fond sombre sous la frénésie colorée de Delacroix.
Mais ce qui marque mieux encore ce moment, c’est précisément ce que les peintres s’autorisèrent pour épanouir le noir en s’affranchissant inégalement de l’anecdote ou du prétexte d’un sujet. Quand on revoit cet inouÏ Bal à l’Opéra de Manet, où le noir submerge la jeune fille dont l’incarnat rose et le vêtement azur éclatent en contraste, on songe évidement à la restitution d’un monde qui s’embourgeoise et dont le noir est la couleur pour simultanément se distinguer et se fondre anonymement. Le conformisme de l’élégance bourgeoise envahit les univers auxquels Manet s’attache comme un documentariste de son époque. Et puis la même année pour ainsi dire (1874), Whistler impose son Nocturne en noir et or : la roue de feu sans aucune justification de copie du monde - qu’un Bonnard observe encore ultérieurement dans sa Rue en hiver, en 1894, tout autant envahie par le noir.
Oui, décidément, le noir est la couleur du passage d’un siècle à l’autre, et il fallut que Matisse vînt pour l’affirmer et le théoriser précocement, pour le clamer comme un mot d’ordre: « Le noir est une couleur. » Pourtant, si le noir structura ainsi le XXème siècle, c’est qu’il imposa une tonalité plus vigoureuse que seulement triste, plus architecturale que seulement nocturne, plus subtile que seulement tranchante. « Le noir comme le rouge, comme le vert, comme le bleu, comme toute autre nuance, a ses clairs, ses demi-teintes, ses ombres ; il ne fait pas, parmi les objets qui l’entourent, cette tache absolument opaque ;il s’y relie par des reflets, par des appels, par des ruptures ; par des rappels, par des ruptures ; autrement, il creuse un trou dans le tableau », analyse Théophile Gautier semblant ainsi décrire idéalement la peinture du XXème siècle à venir, et plus précisément celle d’après 1946, que la présente exposition illustre.
par Dominique Païni (extrait)
Artistes présentés :
Yaacov agam, Carl André, Hans Arp, Art & Language, Georg Baselitz, Jean-Pierre Bertrand, Jean-charles Blais, Pierrette Bloch, Alighiero Bœtti, Christian Blotanski, Pierre Bonnard, B.P, George Braque, Pierre Buraglio, ALberto Burri, Pol Bury, James Lee Byars, Alexander Calder, Nicolas Chardon, Eduardo Chillida, Pascal Convert, Willem de Kooning, Olivier Debré, Jean Degottex, Hélène Delprat, Marco del Re, Mark Dion, Jean Dubuffet, Emmanuel, Max Ernst, Philippe Favier, François Fiedler, Eric Fiscal, Alain Fleischer, Lucio Fontana, Henri Foucault, Gérard Gasiorowski, Général Idea, Alberto Giacometti, Simon Hantaï, Hans Hartung, Camille Henrot, Richard Jackson, Wassily Kandinsky, Ellsworth Kelly, Anselm Kiefer, Franz Kline, Jannis Kounellis, Aki Kuroda, Jean-jacques Lebel, Fernand Léger, Sol Lewitt, Allan Mc Collum, Robert Malaval, Brice Marden, André Marfaing, Marcel Mariën, André Masson, Henri Matisse, Henri Michaux, Joan Miro, Bernard Moninot, François Morellet, Robert Motherwell, Vik Muniz, Aurélie Nemours, Louise Nevelson, Barnet Newman, Melik Ouzani, Bernard Pages, Nam June Paik, Claudio Parmiggiani, Pablo Picasso, Pacal Pinaud, Anne et Patrick Poirier, Arnulf Rainer, Martial Raysse, Antonio Recalcati, Judith Reigl, Ad Reinhardt, Gerhard Richter, François Rouan, Antonio Saura, Richard Serra, Kazuo Shiraga, Vladimir Skoda, Kimber Smith, Tony Smith, Claude de Soria, Jesus Rafael Soto, Pierre Soulages, Diner Stephant, Pierre Tal-Coat, Antoni Tapiès, Jean Tinguely, Raoul Ubac, Bram Van Velde, Geer Van Velde, Serge Vandercam, Bernar Venet, Claude Viallat, Yervant Gianikian et Angela Ricci-Lucchi.