Organismes et Fantasma Lionel Sabatté
Poussières, rebuts, fragments, pigments improbables, fils, sont tous la chair même des peintures, dessins, sculptures ou reliefs de Lionel Sabatté. Et à chaque fois cette même idée, mettre la représentation au péril d’elle-même comme pour mieux indiquer que ce qui est à voir n’est qu’une simple étape dans le lent processus de germination du vivant. Alors le spectateur peut bien y voir un bestiaire hybride fait d’oiseaux, d’ours, d’anguilles, de loups, de monstres délicats qui ensemble expose leurs chairs et leurs squelettes, leurs fluides et leurs apparences. Il y a chez Lionel Sabatté un refus des évidences, une tendresse pour l’incertain conduisant à un mélange unique entre minéral, animal et organique. Il y a ici des rejets, des rebuts, des résidus, mais surtout de la renaissance et une forme de réincarnation perceptible dans l’élégance du trait, des couleurs, des matières.
On retrouve cette force dans son dernier travail réalisé entre février et en mai2021 lors d’une résidence à Urdla à Villeurbanne, lieu destiné à la gravure et qui est largement présenté dans cette exposition. Comme à son habitude, Lionel Sabatté s’est emparé des techniques pour mieux les plier à son monde fait de métamorphoses et de mise en suspens. L’artiste y tord les conventions, prenant une vieille plaque de zinc du toit de son atelier comme fond, s’amusant à perturber les techniques, à les contraindre pour mieux entrer dans un monde où tout devient possible par le geste expérimental. Plaques, papiers, rebuts textiles, le tout superposé, repositionné, pressé, rehaussé par d’autres encres, d’autres traits puis de nouveau pressé et enfin rehaussé à la main dans son l’atelier parisien, à distance du lieu des premières expérimentations. Dans ces monotypes de petites ou grandes dimensions, le regard est ensuite libre d’y percevoir l’apparition de chimères ou de glyphes, d’y voir un bestiaire d’animaux issus des abysses ou de nos rêves, voire dans certains cas un simple profil humain...