Other people's clothing Kevin Desbouis, Pati Hill, Charlotte Houette - Une proposition de Fiona Vilmer
‘’Tonight, my aunt’s half-moods arrive in the room. They Mirror the room and its furniture like a TV screen. They look like other people’s clothing’’*
Cela commence par un livre, Insomnia and the Aunt de Tan Lin qui selon ses mots est un roman d’ambiance (ambient novel). Le narrateur décrit sa tante insomniaque dirigeant un motel au milieu des États-Unis. Elle dédie ses nuits éveillées à regarder le poste de télévision, et préfère les programmes rediffusés au direct. En tant qu’immigrante chinoise, l’Amérique pour elle n’est pas tant une image, ni la télévision même, mais le meuble dans lequel est serti l’écran qui lui renvoie l’illusion de son américanisation.
Depuis les couloirs anonymes du motel où les passages sont fugaces, le poste tv recouvre sa réalité. Objet, miroir, personnage. Je l’imagine zapper en continu, regarder des bouts d’émissions, late-shows, films, documentaires. En veillant, son esprit s’absenterait jusqu’à ce que la boucle de visionnage esquisse une fiction d’elle-même, avec l’intuition qu’il se produit toujours quelque chose ailleurs. Délire somnolent où il serait possible de disparaître dans un décor mental à partir duquel se recomposer le monde. Le meuble tv est une machine à incarner. Une boîte sans fond décorée comme un autel. Lorsque la tante disparaît, une ambigüité persiste, a-t-elle été absorbée par le poste de télévision ou n’en était-elle qu’une pure émanation ?
Il ne s’agit pas tant de chercher une réponse, mais de préférer l’aspect générique de la question, jusqu’à ce que la tante ne soit plus qu’un personnage, le meuble tv un objet domestique.
other people’s clothing suit une question d’attitudes et réunit Kevin Desbouis, Pati Hill et Charlotte Houette. De l’extérieur, les formes choisies par leur motif, leur valeur ou leur littéralité qui investissent l’espace d’exposition ne semblent pas à leur place. Mais au seuil du readymade, elles y sont, et apparaissent – entre autres – comme un accessoire à activer, un cloisonnement de l’espace ou une image. Ces objets qui nous accompagnent portent en eux une dissolution de contexte, de sens initial, nous approchant d’une forme de fiction ou d’editing** de soi, dont le terme s’inscrit comme un clin d'œil au revers des pratiques artistiques exposées liées au texte, à l’édition et à la traduction.
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Fiona Vilmer
*Tan Lin, Insomnia and the Aunt, Chicago, Kenning Editions, 2011.
Le texte est mis en page avec des photographies noir et blanc, des lettres et cartes postales, des recherches Google et des références littéraires imaginaires en notes de bas de pages qui le documente autant qu’elles le fictionnalise.
**Traitement d’un texte ou d’un film consistant à modifier, supprimer, conserver ou ajouter des éléments précédant l’objet fini.