Patrick Baillet : Musée Rimbaud Patrick Baillet
Baillet est un libre esprit contemplatif. "Les libres esprits ont leur mission : ils abolissent toutes les barrières qui font obstacle à une interpénétration des hommes". C'est le rôle des artistes et de leur art. Baillet est, lui est un libre esprit contemplant de libres esprits contemplatifs.
Par l'expression, Baillet réunifie les arts de la représentation en une motion immobilisante (JF Lyotard) avec ses sensations colorantes, vivement colorées même, et lyriquement abstraites, qui thématisent LA FEMME et LA PERSIENNE tout en nous livrant, médusés, l'immanence de la transformation représentative en ce qu'elle a d'interminable et, par là, d'étroitement impossible.
Par le thème, et s'appuyant en cela sur l'expression, Baillet pratique le META-ART avec deux arguments, 1. LA FEMME, 2. LA PERSIENNE, pour conséquence L'ART.
Premier argument : LA FEMME.
"Femen (lat.) : la cuisse". Baillet va plastiquement à l'essentiel : le membre écran.
" Feminea Marte Cadencum: il faut périr de la femme" (après y être né évidemment).
Tout est femme. La femme chez Baillet est cathédrale : éternelle, mystérieuse, immanente. L'Art, c'est la femme et c'est en cela que la représentation est impossible et la création possible et le processus interminable.
Second argument : LA PERSIENNE.
C'est l'ouverture étroite, multiple, répétée, qui d'artistes en artistes, nous empêche d'être "persciens (lat.) : qui connaît à fond" ; n'étant point de l'enfant autocréateur qu'illusion éphémère.
Une conséquence : L'ART.
L'émotion, chez Baillet est toute. Elle n'est pas seulement esthétique. Elle est aussi, dans la langue, étymologique. La représentation (la toile) et le représentant (la chose peinte), le signifiant (le nom de la chose peinte) et le signifié (le réel que l'on désigne) sont unifiés et d'une éternité imparable : que la PERSIENNE vienne de PERSE (la civilisation), que PERSE vienne de PERSÉE (mythologie) qui la fonda a déjà de quoi surprendre.
Que Persée et Danae, sa mère-femme, se soient retrouvés dans un coffre en bois flottant sur les eaux étroitement resserrées ("ARTO" serrer fortement, étroitement qui est à l'origine du mot "ART" et que, allégoriquement vous y voyez une toile de Baillet est bien étrange). Que PERSÉE soit celui qui égorgea la Gorgone Méduse, dont les pouvoirs étaient de changer en pierre quiconque la regardait (donc irreprésentable), en se servant justement de son bouclier comme d'un miroir pour y travailler la bête à partir de son image même, montre à quel point Baillet (à son insu ?) argumente esthétiquement la narration du mythe qui concerne le plus les Arts Visuels, la perception, le double, etc.
Mais en cela, Baillet fait plus. Il travaille l'état éternel de l'Art. Ce va et vient dedans-dehors, dans le champ, hors du champ, dans le plan, hors du plan, dans la chair, hors la chair, dans la toile, hors la toile. Il travaille l'Art, en ce que comme LA FEMME, L'ART n'existe pas et que seule demeure l'Expérience de l'Art quand on est serré fortement, étroitement par l'émotion esthétique de l'innateignable.
Baillet rêve de toiles immenses pour franchir l'espace de la femme, pour se détacher des tâches et des taches. Là, il se "gourre" complètement : ne s'est-il pas lui-même soumis à la question d'une manière impondérable en esprit libre ?
Mais il faudrait les lui donner, ces toiles immenses, pour notre plaisir à nous... Qu'il est bon de regarder Méduses avec les toiles de Baillet comme bouclier...
Charles-Albert TIJUS.