Courtesy Michèle Schoonjans Gallery
Tilt Mathieu Bonardet x Tom Henderson
Michele Schoonjans Gallery
Rivoli Building
690 / 25 Chaussée de Waterloo
1180 Bruxelles
Belgique
Du 15 janvier au 25 février 2023, la Michèle Schoonjans Gallery a le plaisir de présenter deux artistes virtuoses de l'instabilité.
Chez Bonardet, l’ascétisme du noir et blanc, la matière palpable du graphite déposée geste après geste à la surface du papier. Chez Henderson, le sautillement des couleurs, la brillance du métal, et ce drôle de petit mouvement qui nous rappelle que l’art avant tout participe de la vie. Chez les deux, l’équilibre et le déséquilibre, l’épaisseur parfois insignifiante mais toujours palpable de formes à la géométrie stricte quoique lentement évolutive. Aussi pour eux l’importance de l’ombre qui joue avec les volumes déployés dans l’espace, en nous les faisant percevoir ici tout petits, et soudain plus loin si étrangement grands, jusqu’à en perturber notre propre lecture . Il est question d’œil bien sûr, et de perspective, d’éclairage et de distance ; la lumière ne nous serait-elle pas donnée, qu’ils en dessineraient sans doute naturellement les reflets !
Mathieu Bonardet développe depuis sa sortie des Beaux-Arts de Paris en 2013 un travail de rigueur, ou comme il le dit lui-même de réduction, par cette utilisation unique du graphite devenu outil en prolongement de sa main et peut-être même de son corps tout entier, et dans cette répétition du trait qui vient inlassablement recouvrir le blanc du papier. Pas d’autre effet, ni de grands écarts, que cette énergie déployée à composer feuille après feuille des formes qui semblent s’épanouir dans l’espace, sortir du plan pour se donner en volume et en contraste sur les blancs qui composent nos intérieurs contemporains. La sculpture n’est déjà plus loin, la minceur de l’objet ainsi traité dépassant par la matière et l’induction du mouvement la notion du support et de son rapport au plan et à la surface. Les éclats métalliques provenant du dépôt appuyé de la matière graphite alternent parfois avec le mat obtenu par ponçage, renforçant l’impression de force que dégagent ces feuilles devenues presque lames, miroirs noirs et sans fonds dressés devant nous tels de possibles accès à un métavers inconnu.
Tom Henderson, artiste anglais installé depuis plus de dix ans dans le Sud de la France, aime lui aussi explorer un langage mixte qui mêle peinture et sculpture, en s’aventurant davantage dans une diversité de matériaux. Les œuvres murales présentées ici convoquent aussi bien miroirs, contreplaqué de bois et acrylique moulé, pour composer d’étonnantes structures ou sculptures planes. Ainsi dans la série Arclight les lignes et surfaces de couleurs paraissent se dissoudre dans l’opacité du support, se fondre littéralement dans la matière pour tenter d’absorber le regard et rendre fluide l’épaisseur même des œuvres. Les Plinth, sans être de véritables mobiles, étonnent, eux, par leur spatialité et leur capacité à se transformer selon le point de vue duquel on les aborde. Curieux objets difficilement identifiables, ils semblent, malgré leurs formes plutôt sages, toujours vouloir se décrocher de leur support, s’agiter, se distorsionner pour nous apparaître sous de nouveaux atours. Et c’est dans l’action même du spectateur, dans son déplacement que se révèle la vraie nature de ces tableaux en apparence silencieux.
Théâtre d’illusions et de métamorphoses, les travaux de ces deux chercheurs et expérimentateurs de la matière se croisent et se complètent, tant par l’obsession formelle à traiter des formes quadrilatères, que dans le rapport qu’ils entretiennent avec la notion d’équilibre et de basculement, et ce jusqu’au moment précis d’installer leurs œuvres. Duettistes de la ligne, ou pourrait-on même dire fil-de-féristes du trait, le dialogue qu’ils amorcent ici nous ouvre les portes d’un nouveau monde, un univers où le dessin se confond avec la sculpture, et peu importe le spectre des couleurs ou la profondeur du noir pourvu qu’on ait l’ivresse !
Jean-Marc Dimanche (Curateur, Critique d’Art)