Trois, quatre. Clément Borderie, Victoire Inchauspé, Julia Rometti
Trois, quatre.
Clément Borderie Victoire Inchauspé Julia Rometti
Trois c’est le rythme ternaire du dissonant, du désordre, de l’accélération.
À ces mots, les artistes ne répondent pas.
Rien ne crispe, pas de violence en apparence.
Il fallut donc un quatuor du temps rond, du temps long.
Le chiffre quatre est lié par équilibre, il impose la souplesse et les saisons.
Finalement ne dit-on pas trois, quatre avant le premier battement de chœur.
Une quatrième interprète est l’invitée naturelle de l’exposition,
elle est les racines des œuvres et la substance les enlaçant.
Clément, Julia, Victoire et Atmosphère.
Quatre êtres qui accrochent la mesure sur le temps.
Ainsi au premier plan,
les vivant·es dans toutes leurs matières.
En transaction muette avec les paysages
Clément Borderie constate sans juger
l’absorption discrète des années
qui crachent leurs âges sur les stores de vitrines
ou déposent leurs empreintes sur des matrices dociles.
Il attendra le temps qu’il faut,
celui qui nous dépasse et nous fait défaut
celui qui nous défait de toutes nos certitudes.
La lumière parfois s’invite
par les vitres identiques en proportions
aux toiles de Julia Rometti.
Derrière l’aplat immobile de sable et d’os, les arêtes fuient en reflets.
Devant, les coquillages remontent à la surface de plusieurs millénaires
quand Paris était océan et l’océan seul sur Terre.
Pièce par pièce, pierre par pierre,
les œuvres sont louées à l’anonymat des ancêtres : chairs terres mers.
Pour protéger les fondations,
des vœux sont fondus dans les chardons.
Les sculptures de Victoire Inchauspé sont mordues
de fragiles existences et de fortes mues
comme un mimosa pétrifié en attente du printemps,
comme un cerf sidéré sans ses bois à l’hiver,
comme toute vie qui s’exécute dans une poignée de poussière.
Atmosphère décroche sa première note. Une blanche sur béton gris.
Une lumière incandescente et un silence en faux-ami
moteurs, pas, éclats de voix,
qui fredonnent par fragments la complainte de Paris.
Atmosphère suspend les ombres qui font exister par décrochement,
les œuvres, les corps et les sentiments.
La mélodie commune est au diapason.
Trois, quatre.
Anne Bourrassé, 2024