WE DIDN’T REALIZE WE WERE SEEDS Fahamu Pecou
La septième exposition personnelle de Dr. Fahamu Pecou à Backslash rend hommage au concept de l'afrotrope. Définit par les universitaires et historiens de l'art Huey Copeland et Krista Thompson, ce néologisme désigne les formes visuelles récurrentes qui ont émergé au sein de la culture et de l'identité des diasporas africaines et en sont devenues les pivots. Se manifestant comme des codes, des symboles, des esthétiques et des concepts, les afrotropes évoluent en même temps que la culture noire et les notions changeantes de la Négritude. L'exemple emblématique vient de Tommie Smith, le poing levé, lors des Jeux olympiques de 1968. L'image a été reproduite sur différents supports au fil des ans, des affiches aux t-shirts, et est devenue, dans la culture visuelle, ce symbole de défi, de révolution et de solidarité raciale.
Les afrotropes comme l'image de Smith capturent visuellement les aspects intangibles, improvisés et variables de l'expression créative noire, tout en incarnant la nature durable des constructions spirituelles et philosophiques africaines. Pour l'exposition, Pecou explore et ré-interprète divers aspects de l'identité noire à travers le temps et les cultures, en englobant l'art, la mode, la politique et la spiritualité. À travers son travail, il identifie et convoque plusieurs afrotropes, révélant leurs pouvoirs et leurs significations. Ils prennent la forme de totems ou d'objets fétiches et sont ensuite retravaillés afin de servir une fonction apotropaïque, gardant et protégeant la subjectivité et la viabilité des noirs.
Dans ses œuvres, vous trouverez des couronnes de coton, des masques rituels africains juxtaposés à des baskets Air Jordans ou encore des durags (foulards inspirés des fichus de fortune que les femmes esclaves portaient pour se protéger du soleil dans les champs de coton). Ce qui pourrait paraître initialement comme un mélange d'idées contradictoires révèle en réalité la force et la capacité d'adaptation des concepts spirituels et philosophiques des cultures africaines autochtones. Ces constructions traditionnelles, loin de disparaître, continuent à influencer et à modeler l'identité des personnes noires dans le monde actuel. En d'autres termes, malgré les apparences de conflits ou de contradictions, les croyances et les pensées indigènes africaines montrent une grande vitalité et jouent un rôle crucial dans la formation de l'identité noire moderne.
Comme les graines d'un fruit, les afrotropes laissent des traces et se reproduisent, se développent, élargissent les façons de voir, d'être et de devenir noir. À travers les dessins, les peintures et les sculptures de cette exposition, Pecou convoque les afrotropes comme des repères visuels pour signifier et affirmer la viabilité de la culture noire. Et malgré les tentations de nier ou de diminuer l'existence des noirs, les afrotropes servent à nous rappeler leur brillance et leur résilience.
Fahamu Pecou est docteur diplômé de l’Université Emory d’Atlanta où il enseigne la philosophie. Son travail a été montré dans de nombreuses institutions prestigieuses à travers le monde, notamment au Museum Of Contemporary Art et au High Museum d’Atlanta, au Baltimore Museum of Art, au Museum of Contemporary Art de Denver ou au Yokohama Museum of Art au Japon, parmi beaucoup d'autres.
Son travail est présent dans de nombreuses collections telles que le Seattle Art Museum, le Smithsonian National Museum of African American History and Culture de Washington, The West Collection de Philadelphie, le National Museum of African American Music de Nashville ou encore la Collection Société Générale en France et la Banque CBH en Suisse.
Pecou est également vidéaste : son dernier film Emmett Still a été largement primé. Il est actuellement présenté, ainsi que plusieurs de ses oeuvres historiques, dans l’exposition ‘Avant-Garde and Liberation : contemporary art and decolonial modernism’ au Mumok à Vienne (Autriche).