Spirit Henri Foucault
extrait du texte de présentation par Jacques Aumont
Opacifier (la lumière)
Foucault n’est pas le premier à rappeler que, à côté de l’histoire niépcéenne, il y a aussi une origine, une invention et une nature fox-talbotiennes de la photographie; le photogramme, dans l’art, est acclimaté au moins depuis Moholy-Nagy, qui en inventa quelques modèles et le nom définitifs. Mais le photogramme, dans ces états historiques et avant-gardistes, est toujours un rayogramme, un gramme de rayons ; il suggère toujours une essentielle transparence de la matière à la lumière, fût-ce sur le mode de la lumière invisible et mystérieuse ( les rayons « X »).
Au contraire le photogramme de Foucault est contrasté, le noir y règne, le blanc éclatant, presque pas de gris. La gamme des valeurs n’est mise en jeu que pour accompagner une traversée du corps qui est trompeuse, une radiographie purement ironique.
S’il photographie avec un appareil de photographie, c’est forcément une image déjà apparue ailleurs, par exemple sur un écran, et ce n’est jamais que l’un des gestes que nécessite l’œuvre.
Toujours il ressaisit l’image avec la main ou quelque chose de la main: surimpressions, expositions multiples, interposition de corps transparents ou translucides. La lumière n’est pas, dans ces traitements de la photographie, ce qui traverse la matière, mais ce qui l’opacifie. Le jeu ou la fascination, autour des avatars du rayon Rœntgen, est une fascination pour le pouvoir de révélation, du dedans du corps par opacification: la lumière n’est pas ce qui modèle un épiderme, ni l’immatériel qui dessine seulement les contours - mais comme un médium inattendu apparu dans l’intérieur de ce qui est traversé; comme un fluide que le corps aura ingéré, et qui s’y serait fixé.