Atelier populaire

1968. La colère gronde à Paris ! Le bâtiment des Beaux Arts de Paris, situé au 13 Quai Malaquais, est alors voué à la formation des jeunes architectes. Le 14 mai 1968, il est pris d'assaut par les jeunes artistes avec un objectif : y trouver une presse lithographique et diffuser des affiches pour couvrir les murs de Paris de slogans révolutionnaires. Gérard Fromanger y tire la première affiche, "Usines, Universités, Union", diffusée à seulement 300 exemplaires. L'arrivée de Guy de Rougemont, tout juste rentré de la Factory d'Andy Warhol où il a appris la technique de la sérigraphie par pochoir, donne un autre tour au mouvement dès le 17 mai : la sérigraphie, marquée du slogan "l'Art au service du peuple" était née et il était désormais possible de faire des tirages à 3000 exemplaires. D'autres viendront gonfler les rangs des artistes contestataires à l'image de Julio Le Parc, membre du Groupe de Recherche Art Visuel (GRAV) puis du Front des Artistes Plasticiens et expulsé par l'Etat Français pour son implication politique. D'autres artistes sèmeront des Ateliers Populaires un peu partout, aux Arts Décoratifs avec Louis Cane, ou en province. Le 27 juin 1968, les CRS interviennent et mettent fin à une aventure qui aura permis la naissance de quelque 800 affiches et journaux muraux qui nous laissent quelques-uns des plus beaux slogans : "A bas les cadences infernales", "La police vous parle tous les soirs à 20h", "La police s'affiche aux Beaux Arts, les Beaux Arts s'affichent à Paris", "La chienlit c'est lui", etc.

Textes fondateurs
Tract du 21 mai 1968

ATELIER POPULAIRE : OUI 
ATELIER BOURGEOIS : NON


Ce que nous avons écrit à la porte de l'atelier si nous essayons de l'expliciter, de comprendre ce que ça veut dire, doit nous dicter naturellement les lignes essentielles de l'action nouvelle.

Cette phrase signifie qu'il ne s'agit en rien de moderniser, c'est-à-dire d'améliorer ce qui est déjà. Toute amélioration pose que, dans son fond, la ligne générale ne change pas, donc qu'elle était déjà bonne. Nous sommes contre ce qui règne aujourd'hui. Qu'est-ce qui règne aujourd'hui ? L'art bourgeois et la culture bourgeoise.
Qu'est-ce que la culture bourgeoise ? C'est l'instrument par lequel le pouvoir d'oppression de la classe dirigeante sépare et isole du reste des travailleurs les artistes en leur accordant un statut de privilégié. Le privilège enferme l'artiste dans une prison invisible. Les concepts fondamentaux qui sous-tendent cette action isolatrice qu'exerce la culture sont :
- l'idée que l'art a "conquis son autonomie" (Malraux, voir la conférence faite au moment des Jeux Olympiques de Grenoble).
- la défense  de la "liberté de création".

La culture fait vivre l'artiste dans une illusion de la liberté :
1° il fait ce qu'il veut, il croit tout possible, il n'a de comptes à rendre qu'à lui-même ou à l'Art.
2° il est "créateur" c'est-à-dire qu'il invente de toutes pièces quelque chose d'unique, dont la valeur serait permanente au-dessus de la réalité historique. Il n'est pas un travailleur aux prises avec la réalité historique. L'idée de création irréaliste son travail.

En lui accordant ce statut privilégié, la culture met l'artiste hors d'état de nuire et fonctionne comme une soupape de sécurité dans le mécanisme de la société bourgeoise.

Cette situation est celle de nous tous. Nous sommes des artistes bourgeois. Comment en serait-il autrement ?

Voilà pourquoi lorsque nous écrivons "atelier populaire", il ne peut s'agir d'amélioration, mais de changement d'orientation radical.

C'est dire que nous sommes décidés à transformer ce que nous sommes dans la société.

Précisons que ce n'est pas une meilleure mise en relation des artistes avec les techniques modernes qui les reliera mieux à toutes les autres catégories de travailleurs, mais l'ouverture aux problèmes des autres travailleurs, c'est-à-dire à la réalité historique du monde dans lequel nous vivons. Aucun professeur ne peut nous aider à mieux fréquenter cette réalité. Nous devons tous nous enseigner nous-mêmes. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas un savoir objectif, donc recevable, ni que les artistes plus âgés, des professeurs ne puissent pas être très utiles. Mais c'est à la condition qu'ils aient décidé de transformer ce qu'ils sont dans la société, décidé de participer à ce travail d'auto-éducation.

Ainsi remis en cause le pouvoir éducateur de la bourgeoisie, le champ sera ouvert au pouvoir éducateur du peuple.

Artistes associés

Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo, Francis Biras, Pierre Buraglio, Henri Cueco, Gérard Fromanger, Merri Jolivet, Julio Le Parc, Bernard Rancillac, Guy de Rougemont, Gérard Tisserand, Christian Zeimert.

Artistes à rapprocher

Louis Cane.

Courant, mouvement, lieu à rapprocher

Front des Artistes Plasticiens, Figuration Narrative, GRAV