BIOGRAPHIEDaria Gamsaragan
Daria Gamsaragan (de son vrai nom Ardemis Dora Gamsaragan) est une artiste sculptrice et médailliste née à Alexandrie (Égypte) le 24 avril 1902 et décédée dans le 14e arrondissement de Paris, à son domicile Square Henri Delormel, le 1er mars 1986. Elle est également écrivaine sous le pseudonyme d’Anne Sarag.
Revenons à Daria Gamsaragan. Elle les a connus tous les deux et visité leurs ateliers, qu’elle évoque longuement dans ses écrits. Daria Gamsaragan et Alberto Giacometti ont commencé leur formation à la Grande Chaumière en même temps. Ils sont restés toujours en contact. Le rôle central joué par les ateliers des sculpteurs Brancusi et Giacometti, qui ont fait « corps » avec les créations de ces artistes, s’est imposé évidemment à Daria Gamsaragan. Son destin ne lui a pas permis de bénéficier de ce précieux refuge.
Les ateliers de Daria Gamsaragan ont suivi les bouleversements de sa propre vie. Elle les a recréés partout où s’est trouvée : avant son mariage avec Imre Gyomaï, un appartement parisien qui était aussi son logement, puis après son mariage, la Villa Seurat, qui venait d’être conçue dans le quartier du Parc Montsouris, pour les artistes, suivi d’un déménagement à Montmartre, Villa Junot. Là, « dans un pavillon fait de deux ateliers, Imre écrivait, moi je sculptais, je faisais alors des grandes statues que je n’ai pas conservées » écrit-elle.
Lorsqu’on évoque l’atelier d’un sculpteur on pense par exemple à Constantin Brancusi ou à Alberto Giacometti. Brancusi avait un attachement viscéral à son atelier situé dans l’impasse Ronsin dans le quartier de Montparnasse, au milieu de beaucoup d’autres ateliers d’artistes venus du monde entier. De 1916 et jusqu’à sa mort en 1957, pendant plus de 40 ans, le sculpteur habitera et travaillera dans cet atelier. Qu’avait-il de remarquable pour susciter un tel attachement à ce lieu de travail ? Les photos qui nous ont parvenues montrent un aspect « bohème » d’un atelier avec une grande verrière en toiture, mais avec des murs abimés, des fenêtres dépareillées, peu de confort, un grand encombrement au sol. C’est dans cette atmosphère peu accueillante que le sculpteur a créé ses œuvres. On voit dans ce décor surgir la « Colonne sans fin » ou « L’oiseau » qui incarnent la force de l’esprit, la pureté, la beauté. Dans cet ensemble d’outils, de matériaux, du désordre et aussi de la présence de toutes ses autres créations du passé, l’artiste puise la force et les idées pour pouvoir avancer. Cet environnement le pousse à créer à nouveau.
En 1926, Alberto Giacometti emménage dans ce qui sera son atelier jusqu'à la fin de ses jours. Il appela ce studio situé rue Hippolyte-Maindron, près de Montparnasse, sa « caverne-atelier » qu’il ne quittera plus malgré l’inconfort des lieux et la petite taille. Pendant la guerre, il est contraint de quitter cet atelier, mais le retrouve ensuite. Son frère Diego, était aussi son assistant. Les frères Giacometti habitaient dans les petites annexes du studio. Il y avait des livres, des peintures, des dessins et des sculptures en plâtre empilés partout. Cet atelier conserve alors la mémoire de toutes les étapes de la création de l’artiste et la présence de son frère à ses côtés contribue également à la quête de sa propre vérité.
Son ancrage à Alexandrie a duré aussi longtemps que son père a vécu (1940) et elle a pu y exercer son art, en particulier sculpter la pierre, sculpter les bustes de ses amis ou réaliser des sculptures inspirées de la vie en Egypte.
Certaines de ces réalisations nous sont parvenues, d’autres ont été exposées et vendues sur place, dont il nous reste quelques photos. La guerre a été un grand déchirement ; divorcée de Imre, elle a quitté la France avec une grande angoisse de ne pas pouvoir y revenir et continuer son travail. Le régime de Pétain n’était pas très accueillant pour une égyptienne.
Après la guerre, des photos la montrent dans une maison à Honfleur, en Normandie, au milieu des champs, elle sculpte ici des grandes statues en bois. Dans les années 1950, elle est de nouveau à Paris et recrée son atelier dans une maison, où elle habite Villa Spontini, dans le 16ème arrondissement. Finalement en 1960, de retour dans le 14ème arrondissement de Paris, elle achète un appartement duplex Square Henri Delormel dans lequel elle a vécu et travaillé jusqu’à la fin. A la cave, elle a gardé toutes les stèles en bois, de différentes tailles et époques, avec de nombreux outils, dont elle ne s’est jamais séparée.
Elle a écrit :
« Artisane pétrissant l’argile, manipulant le plâtre, polissant la pierre, saurais-je apprivoiser les paroles mobiles, impalpables, ces ailes d’oiseau ? La sculpture est poésie ou elle n’est pas. La magie est son domaine privilégié. Habitée par des milliers de mots et de vies qu’elle a emmagasinées au moment de sa création, la chaleur des mains qui la caressent la fait, sans cesse renaître et vibrer d’une incantation silencieuse qui se révèle à celui qui l’approche ».