Documents personnels
Dans ce fichier sont réunis quelques copies des démarches officielles de naturalisation, des feuillets manuscrits sur des événements marquants de la vie de l’artiste, des lettres, des cartes d’adhérentes de différentes associations humanitaires ou de presse.
Nous avons également retrouvé dans les Archives Nationales de Pierrefitte-sur-Seine des documents concernant l’artiste qui sont photographiés et transcrits ici.
Il y a aussi des preuves matérielles de son activité dans la Résistance.
Le caricaturiste HP Gassier a écrit de nombreuses lettres accompagnées de dessins humoristiques à Daria Gamsaragan et Georges Vallois. Il y a quelques exemples dans ce dossier et beaucoup d’autres dans les archives.
- La création artistique 1938 Transcription
Feuilles manuscrites de Daria Gamsaragan datées du 20 février 1938
Dans mon travail Bourdelle m’assiste toujours, quelle flamme, quel enthousiasme avait cet homme béni. Grâce à lui je suis devenue plus perméable à toute la beauté du monde. C’est comme s’il m’avait petit à petit dépouillée de mon écorce rendue transparente comme un cristal qui réfléchit la lumière et rayonne. Il me semble qu’avec lui j’ai appris pour ainsi dire à respirer les choses.
Pourtant jeunes que nous étions tous souvent nous écoutions d’une oreille distraite ses leçons, nous rions même à ses exagérations méridionales, mais ses paroles sont restées en moi, elles ont poussé des racines profondes. Avec Bourdelle, j’ai fait une plongée dans l’univers. Souvent il nous parlait de tout sans mentionner la sculpture et pourtant tout se ramenait à elle, on aurait dit qu’il ramassait toute la vie des choses pour l’offrir à elle.
Et c’est ce que j’ai compris par lui, compris à voir, à sentir, à comprendre à aimer jusqu’à l’extrême limite de mon être, à être élastique, immense, maternelle pour ainsi dire à l’infini. Son fameux os de mouton qu’il comparait un jour à une cathédrale en avons-nous assez ri. Il nous apprenait ainsi à voir la grandeur dans les choses les plus humbles. Une main, un pied, un orteil, un geste, une plante prennent pour moi des vies extraordinaires, fantastiques, je les sens à en devenir folle, folle de tout sentir et de ne pouvoir tout rendre. J’entre si profondément dans les choses c’est comme si je les burinais.
Le résultat n’est encore que fort peu de choses certes, mais tout sentir c’est déjà beau, peu importe ce qu’on fait, il faut travailler, travailler toujours, ne pas se perdre en verbiage, parce qu’on a ça en soi, doit le faire. L’arbre qui pousse ne se préoccupe pas de savoir comment il pousse, s’il arrivera ou non et même quand les intempéries le torturent, il pousse, il ne se préoccupe que de pousser, jusqu’à la dernière goutte de sa sève, il pousse. Quelle leçon.
Parfois je réagis peu ou mal devant les choses, je peux être fatiguée, par exemple un instant, une journée être mal disposée à un concert, entendre des choses intelligentes, intéressantes, sans les saisir complètement, être dans un des jours opaques, j’ai parfois des périodes entières de vie latente, hivernante pour ainsi dire, peut-être est-ce la fatigue ? Je souffre de ne plus sentir, je me sens bête, je m’inquiète, je souffre et puis brusquement toutes les choses que je croyais mal entendues, mal comprises sortent comme d ‘une retraite secrète à moi-même, montent à la surface et s’épanouissent comme une magnifique floraison.
Quelle joie alors de voir quelles ne m’avaient pas fuie, mais qu’elles étaient toutes entrées en moi par des chemins secrets et qu’elles s’étaient enracinées dans leur captivité.
Je suis comme un buvard, j’ai une faculté de boire les choses, qui m’étonne moi-même.
Quand la joie du travail m’enivre dans ces heures folles où l’on est projeté hors de ses propres gonds, à la fois comme aspirée vers une sphère au-dessus de la vie et plongée au plus profond d’elle. Dans ces heures de révélations, de compréhension, quel magnifique sentiment de penser que des centaines des milliers d’années auparavant des hommes ont compris, ont senti les mêmes choses en créant et les sentirons des milliers d’années après. C’est comme si on se donnait la main pardessus les tombes. On est mêlé à toutes ces grandes vies pleines de rêves, passées et futures, commencées et continuées par elles. Chaine merveilleuse, magnifique éternité de la vie.
L’artiste est un animal bisexuel, possédant les éléments mâle et femelle, l’un reçoit la matière fécondante que lui donnent les choses et l’autre forme de cette matière brute l’œuvre définitive.
L’artiste doit être toute réceptivité, tendue à l’extrême pour recevoir.
Tous ces rêves qu’on ne réalise pas, oh tous ces énormes rêves fous, qui vivent en nous encore [Cette phrase semble être rajoutée ultérieurement]
59 West 12 Street
New York City, 11, N.Y.
8 March, 1953
Dear Madam
I recently purchased a wood sculpture while in Cagnes, France. The woman who sold it to me informed me that you are the artist and that you could furnish me with details regarding yourself and the sculpture, as well as notices regarding the piece when exhibited.
I find the piece perfectly beautiful, as do the many people who have seen it. I hope to be able to exhibit it in New York and for that reason I would like to know more about both of you.
I find constant pleasure in living with the piece and am glad to have this opportunity of telling you so.
Sincerely yours,
Judith Abramson
Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine
Lettre de Pierre Goutal à Raymond Cognat, datée du 25 mars 1958, côte 19960510/22
[Transcription]
Je vous serais très obligé de passer à l’atelier de Mme Daria Gamsaragan, 9 Villa Spontini, pour examiner ses œuvres récentes. Vous voudrez bien nous adresser ensuite un rapport avec, si tel est votre avis, une proposition d’achat.
Goutal
Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine
Note de Raymond Goutal à Pierre Cogniat, datée du 30 novembre 1950, cote F21/6957
[Transcription]
Objet
Sur la demande de M. Cassou, je vous serais très obligé de visiter à la Galerie « La Boétie », 85 rue La Boétie, l’exposition des sculptures de Mme Daria Gamsaragan.
Vous voudrez bien, si tel est votre avis, nous proposer l’achat d’une œuvre qui serait destinée au Musée National d’Art Moderne.
Le Chef du Bureau des Travaux d’Art
Goutal
Réponse
Une exposition intéressante. L’artiste dans des personnages très allongés exprime une grande sensibilité. Je vous propose l’acquisition d’un torse en bronze (environ 60 cm de haut) où sans déformation excessive l’artiste conserve toutes ses qualités. Le prix accepté est de 40 000 francs.
Raymond Goutal
[Annotation manuscrite]
Ce n’est pas cher
Signature
Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine
Lettre de Jean Cassou adressée à Marguerite Lamy, datée du 23 novembre 1950, côte F21/6957
[Transcription]
Ma chère Amie,
Voici une autre femme sculpteur à laquelle je m’intéresse : Madame Daria Gamsaragan. Il y a là des choses assez gracieuses et j’aimerais beaucoup que vous voyiez cela et que vous envisagiez un achat pour le musée, si cela vous convient. Merci infiniment et recevez mes
Bien affectueux hommages
Jean Cassou
Conservateur en Chef du Musée National d’Art Moderne
[Annotation manuelle dans la marge]
Faire et répondre
Signature
Franc-Tireur M. Angot
Quotidien à conserver comme justificatif
à l’avant-garde de la république
100 Rue Réaumur Paris-2°
J’ai remis aujourd’hui à M. Péju co-gérant de FT un chèque de 4000 livres égyptiennes de la Banque Barclays Bank (d’Alexandrie) n°H21/761.155 en date du 24 Juillet.
Ce chèque est destiné à compenser le prêt de 3.500.000 consenti à M. Vallois.
Signature illisible 25/7
En marge à gauche Reçu le 25 Juillet 1946
Signature