DADA

Da Da... Deux syllabes enfantines pour incarner un mouvement d'envergure en Surréalisme et qualifier ce qui n'avait pas encore de nom : la voie Anti Art ouverte par Marcel Duchamp depuis l'Armory Show.

Le mot Dada est né en février 1916 à Zurich dans le sillage de la création du Cabaret Voltaire. Quelques mots clés pour apprécier le mouvement : dérision, extravagance et provocations ! Il serait cependant vain de tenter de savoir qui est l'inventeur de son nom. Chaque protagoniste, dans une posture très dada, a sa propre version des faits...
Mais tous sont unis par une haine de la guerre : Hugo Ball, le déserteur allemand et sa compagne Emmy Hennings ; les Roumains Tristan Tzara, Marcel Janco, Arthur Segal ; les Allemands Richard Huelsenback, Hans Richter et Christian Schad ; les néerlandais Otto et Adya van Rees ; l'Alsacien Jean Arp et sa future épouse la Suissesse Sophie Taeuber.

Encore imprégnés par l'Expressionnisme et le Blaue Reiter, marqués par le Futurisme, bien que pacifistes, ils revendiquent la dérision et l'absurde dans des soirées Dada agitées. Fermé par les autorités 6 mois après son inauguration, le Cabaret Voltaire donne naissance à une galerie Dada à Bahnhofstrasse. Celle-ci exposera notamment les artistes du Groupe Sturm.
L'armistice signée, les membres de Dada essaiment leurs expérimentations en France, en Allemagne, en Hollande, aux Etats Unis : un Club Dada est créé à Berlin par Richard Huelsenback où Kurt Schwitters sera refusé, l'amenant ainsi à créer Merz ; le groupe dada essaime à Cologne sous l'impulsion de Max Ernst, de Jean Arp et de Johannes Theodor Baargeld; la centrale Dada naît en Hollande grâce à Theo van Doesburg avant De Stijl ; le groupe Dada parisien se place sous l’autorité d'André Breton.

Très inventif, souvent drôle, Dada s'essouffle dans des dissensions internes qui culminent avec le procès contre Maurice Barrès pour Crime contre la sûreté de l'esprit.
En 1923, le Surréalisme finit par supplanter Dada et le faire-part de la mort de Dada est rédigé par Jacques Rigaut.

Toutefois, l’esprit Dada survécut bien au-delà dans plusieurs courants même si les héritages sont difficiles à établir clairement. Le Club des Réverbères tente en 1938 de revitaliser le mouvement. Mais c’est véritablement dans la branche française de Fluxus, avec les actions de Ben et de Serge III que l’esprit Dada semble avoir le mieux perduré…

Raoul Hausmann et Hannah Höch, inauguration Première exposition internationale Dada, Otto Burchard Gallery, 30 Juin 1920, Berlin.
Raoul Hausmann et Hannah Höch, inauguration Première exposition internationale Dada, Otto Burchard Gallery, 30 Juin 1920, Berlin.
Johannes Baader, Das grosse Plasto-Dio-Dada-Drama, inauguration Première exposition internationale Dada, Otto Burchard Gallery, 30 Juin 1920, Berlin.
Exposition Max Ernst au Sans-Pareil, 1920, De gauche à droite : René Hilsum, Benjamin Péret, Charchoune, Philippe Soupault, Jacques Rigaut (la tête en bas), André Breton
Procès contre Maurice Barrès pour Crime contre la sûreté de l'esprit, 13 mai 1921. Avec Louis Aragon, (indéterminé), Georges Ribemont-Dessaignes, Benjamin Péret, Jacques Rigaut, René Hilsum, Serge Charchoune
Groupe Dada par Man Ray en 1922. Avec de gauche à droite : Paul Chadourne, Tristan Tzara, Philippe Soupault, Serge Charchoune ; et au premier rang, Man Ray, Paul Éluard, Jacques Rigaut, Mme Soupault, Georges Ribemont-Dessaignes.
Dada à Weimar en septembre 1922. Avec de gauche à droite : Kurt Schwitters, Jean Arp, Max Burchartz, Mme Burchartz, Hans Richter, Nelly van Doesburg, Cornelius van Eesheren, Theo van Doesburg.
Principales expositions

Première Foire internationale Dada, galerie du Dr Otto Burchard, du 30 juin et le 25 août 1920, Berlin ;

Textes fondateurs
Hugo Ball, Eroeffnungs - Manifest, 1. Dada-Abend, Zurich, 15. Juli 1916

Dada ist eine neue Kunstrichtung. Das kann man daran erkennen, dass bisher niemand etwas davon wusste und morgen ganz zuericj davon reden wird. Dada stammt aus dem Lexikon. Es ist furchtbar steigt mir bitte den Rücken runter, auf Wiedersehen ein ander Mal ! Im Rumaenischen : "Ja wahrhaftig, Sie haben Recht, so ist es. Jawohl, wirklich. Machen wir". Und so weiter.
En internationales Wort. Nur ein Wort und das Wort als Bewegung. Es ist einfach furchtbar. Wenn man eine Kunstrichtung daraus macht, muss das bedeuten, man will Komplikationen wegnehmen. Dada Psychologie, Dada Literatur, Dada Bourgeoisie und ihr, verehrsteste Dichter, die ihr immer mit Worten, nie aber das Wort selber gedichtet habt. Dada Weltkrieg und kein Ende, Dada Revolution und kein Anfang. Dada ihr Freunde und Auchdichter, Allerwerteste Evangelisten. Dada Tzara, Dada Huelsenbeck, Dada m'dada, Dada mhm" dada, Dada Hue, Dada Tza.

Wie erlang man die ewige Seligkeit ? Indem man Dada sagt. Wie wird man beruehmt ? Indem man Dada sagt. Mit edlem Gestus und mit feinem Anstand. Bis zum Irrsinn, bis zur Bewusstlosigkeit. Wie Hann man alles Aalige und Jounalige, alles Nette und Adrette, alles Vermoralisierte, Vertierte, Gezierte abtun. Indem man dada sagt. Dada ist die Weltseele, Dada ist der Clou, Dada ist die beste Lilienmilchseife der Welt. Dada Herr Rubine, Dada Herr Korrodi, Dada Herr Anastasius Lilienstein.

Das heisst auf Deutsch : die Gastfreundschaft der Schweiz ist ueber alles zu schaetzen, und im Aesthtischen kommt's auf die Norm an.

Ich lese Verse, die nichts weniger vorhaben als : auf die Sprache zu verzichten. Dada Johann Fuchsgang Goethe. Dada Stendhal. Dada Buddha, Dalai Lama, Dada m'dada, Dada mhm' dada.
Auf die Verbindung kommt es an, und dass sir vorher ein bisschen unterbrochen wird. Ich will keine Worte, die andere erfunden haben. Alle Worte haben andere erfunden. Ich will meinen eigenen Unfug, und Vokale und Konsonanten dazu, die ihm entsprechen. Wenn eine Schwingung sieben Ellen lang ist, will ich füglich Worte dazu, die sieben Ellen lang sind. Die Worte des Herrn Schulze haben nur zwei ein halb Zentimeter .

Da kann man nun so recht sehen, wie die artikulierte Sprache entsteht. Ich lasse die Laute ganz einfach fallen. Worte tauchen auf, Schultern von Worten ; Beine, Arme, Haende von Worten. Ay, oi, u. Man soll nicht zuviel Worte aufkommen lassen.  Ein Vers ist die Gelegenheit, moeglichst ohne Worte und ohne die Sprach auszukommen. Diese vermaledeite Sprache, an der Schmutz klebt wie von Maklerhaenden, die Münzen abgegriffen haben. Das Wort will ich haben, wo es aufhoert und wo es anfaengt.

Jede Sache hat ihr Wort ; da ist das Wort selber zur Sache geworden. Warum kann der Baum nicht Pluplusch heissen, und Pluplubasch, wenn es geregnet hat ? Und warum muss er ueberhaupt etwas heissen ? Muessen wir denn ueberall unseren Mund dran haengen ? Das Wort, das Wort, das Weh gerade an diesem Ort, das Wort, meine Herren, ist eine oeffentliche Angelegenheit ersten Ranges.

Manifeste Dada, Tristan Tzara, 23 mars 1918

“Pour lancer un manifeste il faut vouloir : A.B.C., 
foudroyer contre 1, 2, 3, 
s'énerver et aiguiser les ailes pour conquérir et répandre de petits et de grands a, b, c, signer, crier, jurer, arranger la prose sous une forme d'évidence absolue, irréfutable, prouver son non-plus-ultra et soutenir que la nouveauté ressemble à la vie comme la dernière apparition d'une cocotte prouve l'essentiel de Dieu. Son existence fut déjà prouvée par l'accordéon, le paysage et la parole douce.¦ Imposer son A.B.C. est une chose naturelle, — donc regrettable. Tout le monde le fait sous une forme de cristalbluffmadone, système monétaire, produit pharmaceutique, jambe nue conviant au printemps ardent et stérile. L'amour de la nouveauté est la croix sympathique, fait preuve d'un je m'enfoutisme naïf, signe sans cause, passager, positif. Mais ce besoin est aussi vieilli. En donnant à l'art l'impulsion de la suprême simplicité : nouveauté, on est humain et vrai envers l'amusement, impulsif, vibrant pour crucifier l'ennui. Au carrefour des lumières, alerte, attentif, en guettant les années, dans la forêt.
J'écris un manifeste et je ne veux rien, je dis pourtant certaines choses et je suis par principe contre les manifestes, comme je suis aussi contre les principes (décilitres pour la valeur morale de toute phrase — trop de commodité; l'approximation fut inventée par les impressionnistes). ¦ J'écris ce manifeste pour montrer qu'on peut faire les actions opposées ensemble, dans une seule fraîche respiration; je suis contre l'action; pour la continuelle contradiction, pour l'affirmation aussi, je ne suis ni pour ni contre et je n'explique pas car je hais le bon sens.
DADA — voilà un mot qui mène des idées à la chasse; chaque bourgeois est un petit dramaturge, invente des propos différents, au lieu de placer les personnages convenables au niveau de son intelligence, chrysalides sur les chaises, cherche les causes ou les buts (suivant la méthode psychanalytique qu'il pratique) pour cimenter son intrigue, histoire qui parle et se définit. ¦ Chaque spectateur est un intrigant, s'il cherche à expliquer un mot (connaître!). Du refuge ouaté des complications serpentines, il faut manipuler ses instincts. De là les malheurs de la vie conjugale.
Expliquer : Amusement des ventre rouges aux moulins des crânes vides.

DADA NE SIGNIFIE RIEN
Si l'on trouve futile et si l'on ne perd son temps pour un mot qui ne signifie rien… La première pensée qui tourne dans ces têtes est de l'ordre bactériologique : trouver son origine étymologique, historique ou psychologique, au moins. On apprend dans les journaux que les nègres Krou appellent la queue d'une vache sainte : DADA. Le cube et la mère en une certaine contrée d'Italie : DADA. Un cheval de bois, la nourrice, double affirmation en russe et en roumain : DADA. De savants journalistes y voient un art pour les bébés, d'autres saints jésusapellantlespetitsenfants du jour, le retour à un primitivisme sec et bruyant, bruyant et monotone. On ne construit pas sur un mot la sensibilité; toute construction converge à la perfection qui ennuie, idée stagnante d'un marécage doré, relatif produit humain. L’œuvre d'art ne doit pas être la beauté en elle-même, car elle est morte; ni gaie ni triste, ni claire, ni obscure, réjouir ou maltraiter les individualités en leur servant les gâteaux des auréoles saintes ou les sueurs d'une course cambrée à travers les atmosphères. Une œuvre d'art n'est jamais belle, par décret, objectivement, pour tous. La critique est donc inutile, elle n'existe que subjectivement, pour chacun, et sans le moindre caractère de généralité. Croit-on avoir trouvé la base psychique commune à toute l'humanité ? L'essai de Jésus et la bible couvrent sous leurs ailes larges et bienveillantes : la merde, les bêtes, les journées.
Comment veut-on ordonner le chaos qui constitue cette infinie informe variation : l'homme ? Le principe : « aime ton prochain » est une hypocrisie. « Connais-toi » est une utopie mais plus acceptable car elle contient la méchanceté en elle. Pas de pitié. Il nous reste après le carnage l'espoir d'une humanité purifiée. Je parle toujours de moi puisque je ne veux convaincre, je n'ai pas le droit d'entraîner d'autres dans mon fleuve, je n'oblige personne à me suivre et tout le monde fait son art à sa façon, s'il connaît le joie montant en flèches vers les couches astrales, ou celle qui descend dans les mines aux fleurs de cadavres et des spasmes fertiles. Stalactites : les chercher partout, dans les crèches agrandies par la douleur, les yeux blancs comme les lièvres des anges. Ainsi naquit DADA d'un besoin d'indépendance, de méfiance envers la communauté. Ceux qui appartiennent à nous gardent leur liberté. Nous ne reconnaissons aucune théorie. Nous avons assez des académies cubistes et futuristes : laboratoires d'idées formelles. Fait-on l'art pour gagner de l'argent et caresser les gentils bourgeois ? Les rimes sonnent l'assonance des monnaies et l'inflexion glisse le long de la ligne du ventre de profil. Tous les groupements d'artistes ont abouti à cette banque en chevauchant sur diverses comètes. La porte ouverte aux possibilités de se vautrer dans les coussins et la nourriture.
Ici nous jetons l'ancre dans la terre grasse.
Ici nous avons le droit de proclamer car nous avons connu les frissons et l'éveil. Revenants ivres d'énergie nous enfonçons le trident dans la chair insoucieuse. Nous sommes ruissellements de malédictions en abondance tropique de végétations vertigineuses, gomme et pluie est notre sueur, nous saignons et brûlons la soif, notre sang est vigueur.
Le cubisme naquit de la simple façon de regarder l'objet : Cézanne peignait une tasse 20 centimètres plus bas que ses yeux, les cubistes la regardent d'en haut, d'autres compliquent l'apparence en faisant une section perpendiculaire et en l'arrangeant sagement à côté. (Je n'oublie pas les créateurs, ni les grandes raisons de la matière qu'ils rendirent définitives.) Le futuriste voit la même tasse en mouvement, une succession d'objet l'un à côté de l'autre agrémentée malicieusement de quelques lignes-forces. Cela n'empêche que la toile soit une bonne ou mauvaise peinture destinée au placement des capitaux intellectuels. Le peintre nouveau crée un monde, dont les éléments sont aussi les moyens, une œuvre sobre et définie, sans argument. L'artiste nouveau proteste : il ne peint plus (reproduction symbolique et illusionniste) mais crée directement en pierre, bois, fer, étain, des rocs, des organismes locomotives pouvant être tournés de tous les côtés par le vent limpide de la sensation momentanée.
Toute oeuvre picturale ou plastique est inutile; qu'il soit un monstre qui fait peur aux esprits serviles, et non douceâtre pour orner les réfectoires des animaux en costumes humains, illustrations de cette triste fable de l'humanité. — Un tableau est l'art de faire se rencontrer deux lignes géométriquement constatées parallèles, sur une toile, devant nos yeux, dans la réalité d'un monde transposé suivant de nouvelles conditions et possibilités. Ce monde n'est pas spécifié ni défini dans l’œuvre, il appartient dans ses innombrables variations au spectateur. Pour son créateur, il est sans cause et sans théorie.
Ordre = désordre; moi = non-moi; affirmation = négation : rayonnements suprêmes d'un art absolu. Absolu en pureté de chaos cosmique et ordonné, éternel dans la globule seconde sans durée, sans respiration, sans lumière, sans contrôle. J'aime une œuvre ancienne pour sa nouveauté. Il n'y a que le contraste qui nous relie au passé. Les écrivains qui enseignent la morale et discutent ou améliorent la base psychologique ont, à part un désir caché de gagner, une connaissance ridicule de la vie, qu'ils ont classifiée, partagée, canalisée; ils s'entêtent à voir danser les catégories lorsqu'ils battent la mesure. Leurs lecteurs ricanent et continuent : à quoi bon?
Il y a une littérature qui n'arrive pas jusqu'à la masse vorace. oeuvre de créateurs, sortie d'une vraie nécessité de l'auteur, et pour lui. Connaissance d'un suprême égoïsme, où les bois s'étiolent. ¦ Chaque page doit exploser, soit par le sérieux profond et lourd, le tourbillon, le vertige, le nouveau, l'éternel, par la blague écrasante, par l'enthousiasme des principes ou par la façon d'être imprimée. Voilà un monde chancelant qui fuit, fiancé aux grelots de la gamme infernale, voilà de l'autre côté : des hommes nouveaux. Rudes, bondissants, chevaucheurs de hoquets. Voilà un monde mutilé et les médicastres littéraires en mal d'amélioration.
Je vous dis : il n'y a pas de commencement et nous ne tremblons pas, nous ne sommes pas sentimentaux. Nous déchirons, vent furieux, le linge des nuages et des prières, et préparons le grand spectacle du désastre, l'incendie, la décomposition. Préparons la suppression du deuil et remplaçons les larmes par les sirènes tendues d'un continent à l'autre. Pavillons de joie intense et veufs de la tristesse du poison. DADA est l'enseigne de l'abstraction; la réclame et les affaires sont aussi des éléments poétiques.
Je détruis les tiroirs du cerveau et ceux de l'organisation sociale : démoraliser partout et jeter la main du ciel en enfer, les yeux de l'enfer au ciel, rétablir la roue féconde d'un cirque individu.
La philosophie est la question : de quel côté commencer à regarder la vie, dieu, l'idée, ou n'importe quoi d'autre. Tout ce qu'on regarde est faux. Je ne crois pas plus important le résultat relatif, que le choix entre gâteau et cerises après dîner. La façon de regarder vite l'autre côté d'une chose, pour imposer indirectement son opinion, s'appelle dialectique, c'est-à-dire marchander l'esprit des pommes frites, en dansant la méthode autour. Si je crie:
Idéal, idéal, idéal 
Connaissance, connaissance, connaissance,
Boumboum, boumboum, boumboum,
j'ai enregistré assez exactement le progrès, la loi, la morale et toutes les autres belles qualités que différents gens très intelligents ont discutés dans tout des livres, pour arriver, à la fin, à dire que tout de même chacun a dansé d'après son boumboum personnel, et qu'il a raison pour son boumboum, satisfaction de la curiosité maladive; sonnerie privée pour besoins inexplicables; bain; difficultés pécuniaires; estomac avec répercussion sur la vie; autorité de la baguette mystique formulée en bouquet d'orchestre-fantôme aux archets muets, graissés de philtres à base d'ammoniaque animal. Avec le lorgnon bleu d'un ange ils ont fossoyé l'intérieur pour vingt sous d'unanime reconnaissance. ¦ Si tous ont raison et si toutes les pilules ne sont que Pink, essayons une fois de ne pas avoir raison. ¦ On croit pouvoir expliquer rationnellement, par la pensée, ce qu'il écrit. Mais c'est très relative. La psychanalyse est une maladie dangereuse, endort les penchants anti-réels de l'homme et systématise la bourgeoisie. Il n'y a pas de dernière Vérité. La dialectique est une machine amusante qui nous conduit / d'une manière banale / aux opinions que nous aurions eues de toute façon. Croit-on, par le raffinement minutieux de la logique, avoir démontré la vérité et établi l'exactitude de ses opinions ? Logique serrée par les sens est une maladie organique. Les philosophes aiment ajouter à cet élément : Le pouvoir d'observer. Mais justement cette magnifique qualité de l'esprit est la preuve de son impuissance. On observe, on regarde d'un ou de plusieurs points de vue, on les choisit parmi les millions qui existent. L'expérience est aussi un résultat du hasard et des facultés individuelles. ¦ La science me répugne dès qu'elle devient spéculative-système, perd son caractère d'utilité — tellement inutile — mais au moins individuel. Je hais l'objectivité grasse et l'harmonie, cette science qui trouve tout en ordre. Continuez, mes enfants, humanité, gentils bourgeois et journalistes vierges… ¦ Je suis contre les systèmes, le plus acceptable des systèmes est celui de n'en avoir par principe aucun. ¦ Se compléter, se perfectionner dans sa propre petitesse jusqu'à remplir le vase de son moi, courage de combattre pour et contre la pensée, mystère du pain déclochement subit d'une hélice infernale en lys économiques:

LA SPONTANÉITÉ DADAISTE
Je nomme je m'enfoutisme l'état d'une vie où chacun garde ses propres conditions, en sachant toutefois respecter les autres individualités, sinon se défendre, le two-step devenant hymne national, magasin de bric-à-brac, T.S.F. téléphone sans fil transmettant les fugues de Bach, réclames lumineuses et affichage pour les bordels, l'orgue diffusant des œillets pour Dieu, tout cela ensemble, et réellement, remplaçant la photographie et le catéchisme unilatéral.
La simplicité active.
L'impuissance de discerner entre les degrés de clarté : lécher la pénombre et flotter dans la grande bouche emplie de miel et d'excrément. Mesurée à l'échelle Éternité, toute action est vaine — (si nous laissons la pensée courir une aventure dont le résultat serait infiniment grotesque — donnée importante pour la connaissance de l'impuissance humaine). Mais si la vie est une mauvaise farce, sans but ni accouchement initial, et parce que nous croyons devoir nous tirer proprement, en chrysanthèmes lavés, de l'affaire, nous avons proclamé seule base d'entendement : l'art. Il n'y a pas l'importance que nous, reîtres de l'esprit, lui prodiguons depuis des siècles. L'art n'afflige personne et ceux qui savent s'y intéresser, recevront de caresses et belle occasion de peupler le pays de leur conversation. L'art est une chose privée, l'artiste le fait pour lui; une œuvre compréhensible est produit de journaliste, et parce qu'il me plaît en ce moment de mélanger ce monstre aux couleurs à l'huile : tube en papier imitant le métal qu'on presse et verse automatiquement, haine lâcheté, vilenie. L'artiste, le poète se réjouit du venin de la masse condensée en un chef de rayon de cette industrie, il est heureux en étant injurié : preuve de son immuabilité. L'auteur, l'artiste loué par les journaux, constante la compréhension de son œuvre : misérable doublure d'un manteau à utilité publique; haillons qui couvrent la brutalité, pissat collaborant à la chaleur d'un animal qui couve les bas instincts. Flasque et insipide chair se multipliant à l'aide des microbes typographiques.
Nous avons bousculé le penchant pleurnichard en nous. Toute filtration de cette nature est diarrhée confite. Encourager cet art veut dire la digérer. Il nous faut des œuvres fortes, droites, précises et à jamais incomprises. La logique est une complication. La logique est toujours fausse. Elle tire les fils des notions, paroles, dans leur extérieur formel, vers des bouts, des centres illusoires. Ses chaînes tuent, myriapode énorme asphyxiant l'indépendance. Marié à la logique, l'art vivrait dans l'inceste, engloutissant, avalant sa propre queue toujours son corps, se forniquant en lui-même et le tempérament deviendrait un cauchemar goudronné de protestantisme, un monument, un tas d'intestins grisâtres et lourds.
Mais la souplesse, l'enthousiasme et même la joue de l'injustice, cette petite vérité que nous pratiquons innocents et qui nous rend beaux : nous sommes fins et nos doigts sont malléables et glissent comme les branches de cette plante insinuante et presque liquide; elle précise notre âme, disent les cyniques. C'est aussi un point de vue; mais toutes les fleurs ne sont pas saintes, heureusement, et ce qu'il y a de divin en nous est l'éveil de l'action anti-humaine. Il s'agit ici d'une fleur de papier pour la boutonnière des messieurs qui fréquentent le bal de la vie masquée, cuisine de la grâce, blanches cousines souples ou grasses. Ils trafiquent avec ce que nous avons sélectionné. Contradiction et unité des polaires dans un seul jet, peuvent être vérité. Si l'on tient en tout cas à prononcer cette banalité, appendice d'une moralité libidineuse, mal odorante. La morale atrophie comme tout fléau produit de l'intelligence. Le contrôle de la morale et de la logique nous ont infligé l'impassibilité devant les agents de police — cause de l'esclavage, — rats putrides dont les bourgeois ont plein le ventre, et qui ont infecté les seuls corridors de verre clairs et propres qui restèrent ouverts aux artistes.
Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif, à accomplir. Balayer, nettoyer. La propreté de l'individu s'affirme après l'état de folie, de folie agressive, complète, d;un monde laissé entre les mains des bandits qui déchirent et détruisent les siècles. Sans but ni dessein, sans organisation : la folie indomptable, la décomposition. Les forts par la parole ou par la force survivront, car ils sont vifs dans la défense, l'agilité des membres et des sentiments flambe sur leurs flancs facettés.
La morale a déterminé la charité et la pitié, deux boules de suif qui ont poussé comme des éléphants, des planètes et qu'on nomme bonnes. Elles n'ont rien de la bonté. La bonté est lucide, claire et décidée, impitoyable envers la compromission et la politique. La moralité est l'infusion du chocolat dans les veines de tous les hommes. Cette tâche n'est pas ordonnée par une force surnaturelle, mais par le trust des marchands d'idées et des accapareurs universitaires. Sentimentalité : en voyant un groupe d'hommes qui se querellent et s'ennuient ils ont inventé le calendrier et le médicament sagesse. En collant des étiquettes, la bataille des philosophes se déchaîna (mercantilisme, balance, mesures méticuleuses et mesquins) et l'on comprit une fois de plus que la pitié est un sentiment, comme la diarrhée en rapport avec le dégoût qui gâte la santé, l'immonde tâche des charognes de compromettre le soleil.
Je proclame l'opposition de toutes les facultés cosmiques à cette blennhorragie d'un soleil putride sorti des usines de la pensée philosophique, la lutte acharnée, avec tous les moyens du

DÉGOÛT DADAISTE
Tout produit du dégoût susceptible de devenir une négation de la famille, est dada ; protestation aux poings de tout son être en action destructive : DADA ; connaissance de tous les moyens rejetés jusqu'à présent par le sexe publique du compromis commode et de la politesse : DADA ; abolition de la logique, danse des impuissants de la création : DADA ; de toute hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets : DADA; chaque objet, tous les objets, les sentiments et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat : DADA; abolition de la mémoire : DADA; abolition de l'archéologie : DADA; abolition des prophètes : DADA; abolition du futur : DADA; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA; saut élégant et sans préjudice d'une harmonie à l'autre sphère; trajectoire d'une parole jetée comme un disque sonore cri; respecter toutes les individualités dans leur folie du moment : sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste; peler son église du tout accessoire inutile et lourd; cracher comme une cascade lumineuse la pensé désobligeante ou amoureuse, ou la choyer — avec la vive satisfaction que c'est tout à fait égal — avec la même intensité dans le buisson, pur d'insectes pour le sang bien né, et doré de corps d'archanges, de son âme. Liberté : DADA DADA DADA, hurlement des douleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : LA VIE.”

Artistes associés

Jean Arp, Hugo Ball, Johannes Theodor Baargeld, Erwin Blumenfeld, Serge Charchoune, Paul Citroen, Jean Cocteau, Jean-Joseph Crotti, Marcel Duchamp, Suzanne Duchamp, Max Ernst, Julius Evola, Otto Freundlich, Jefim Golyscheff, George Grosz, Raoul Hausmann, Emmy Hennings, Hannah Höch, Heinrich Hoerle, Richard Huelsenback, Marcel Janco, Paul Joostens, Man Ray, Clément Pansaers, Francis Picabia, Adya van Rees, Otto van Rees, Georges Ribemont-Dessaignes, Hans Richter, Jacques Rigaut, Christian Schad, Morton Schamberg, Rudolf Schlichter, Georg Scholz, Arthur Segal, Walter Serner, Sophie Taeuber-Arp, Tristan Tzara, Theo van Doesburg, Elsa von Freytag-Loringhoven, Beatrice Wood.

Artistes à rapprocher

Guillaume Apollinaire, Louis Aragon, Arman, Victor Brauner, André Breton, John Cage, Arthur Carvan, Paul Chadourne, Paul Eluard, René Hilsum, Alan Kaprow, Robert Rauschenberg, Philippe Soupault, Amadeo de Souza-Cardoso, Jean Tinguely, Jacques Vaché, Ben Vautier.

Livres d'art en vente
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