Atelier Carolus-Duran

Formé à l'Académie Suisse jusqu'en 1861, le peintre Charles Auguste Emile Durant alias Emile Auguste Carolus-Duran devient rapidement un peintre respecté et plébiscité pour ses portraits. A partir de 1872, il ouvre un atelier privé, d'abord boulevard du Port Royal puis au 81 boulevard de Montparnasse où il enseigne la peinture à la manière de Velasquez dont il est un grand admirateur. Passion, du reste qu'il partage avec son ami Edouard Manet. Le succès venant, il ouvre également un atelier à destination des femmes, partagé avec le peintre Jean-Jacques Henner.

Ses ateliers, très à la mode, seront aussi largement ouverts aux étrangers et plus particulièrement à une clientèle américaine qui alimentera les colonies d'artistes, d'abord de Barbizon, puis de Grez-sur-Loing où réside Claude Monet.

Atelier Carolus Duran
Textes fondateurs
LE SOIR, correction de Carolus-Duran à ses élèves en 1878

Dans son atelier, lorsqu'il corrige ses élèves, il leur explique le sujet des tableaux, la philosophie même de leur œuvre. Il leur enseigne non-seulement à manier l'outil, mais à penser, et je connais de ses élèves qui prennent en note et rédigent tout ce que leur dit le maître. De telles pages mériteraient d'être publiées. Un tel enseignement ferait un livre. J'en ai là des fragments, qu'un élève de Carolus Duran me confie, et qui, sur des sujets d'une banalité apparente, la Naissance de Vénus, le Christ au Tombeau, le Soir, etc., nous donnent des aperçus très nouveaux et très personnels. Je les voudrais citer tous. Je suis forcé de choisir, et je prends le plus général, le Soir, qui montrera qu'en M. Carolus Duran, sous le maître peintre, il y a un poète :

LE SOIR

(Correction du 3 décembre 1878.)

Qui dit artiste, dit poète. Dans tout sujet, 11 faut aller plus loin que la réalité. Il faut joindre à l'accent pittoresque des choses l'émotion qu'elles ont inspirée. Il faut aller jusqu'à l'expression aiguë de la sensation produite par la Nature. Vous ne pouvez rendre qu'une partie bien faible de cette sensation; aussi vous ne sauriez en monter trop haut le diapason, afin que votre œuvre en garde le plus possible l'expression et la communique à ceux qui la verront.

Quand cette sensibilité surabonde et s'incarne, c'est ce qu'on appelle l'inspiration.

Rien n'est plus touchant que la Nature, au matin et au soir. Le matin, tout renaît. C'est le réveil des choses et des êtres. Aussi éprouve-t-on comme une sensation du renouveau, du printemps de l'année. Le soir, c'est l'adieu, c'est l'approche de la nuit, c'est la fin d'une journée et comme le résumé de ce qui l'a remplie. Aussi, devez-vous, pour peindre cette heure poétique, vous pénétrer des impressions qu'elle synthétise et les analyser pour les exprimer.

Si nous étions des oiseaux, nous chanterions nos joies ou nos mélancolies devant les scènes de la Nature. Nous sommes des hommes, nous faisons partie de la création et nous nous mêlons à ses concerts, mais, de plus, nous analysons nos sentiments et nous pouvons, en les peignant, les faire partager par nos semblables. C'est 14 le but' de l'art.

Etant en Italie, à Cervare, je voyais tous les soirs des soleils couchants splendides, et j'écrivais à un ami mes impressions de ce merveilleux paya. « Au matin ou à l'heure du soir, disais-je, l'homme s'élève à la hauteur des grands spectacles dont il est le témoin, et alors, il aime ou il prie. » Eh bien c'est ainsi que vous devez peindre le Soir. Si vous n'eu retracez que les rayonnements, les rougeurs, les nuages pittoresques, ce sera très bien comme exécution, comme morceau de peinture.

Il faut plus que cela, il faut que votre émotion personnelle, que le caractère particulier de votre manière de sentir se traduisent dans votre œuvre et la fassent naïvement originale.

Le soir respire l'enchantement ou une profonde mélancolie. Jamais, pendant le jour, vos pensées n'auront la puissance et l'ardeur qu'elles ont le soir. Tout ce que vous avez aimé, regretté, désiré, souffert vous revient à cette heure solennelle et votre âme éprouve le besoin d'aimer encore et de prier et de chanter.

La Nature se prête à vous comme un instrument que vous pouvez faire vibrer et qui dira tout ce que vous avez en vous.

Comme je vous l'ai dit, à propos d'autres compositions, il ne faut pas, pour peindre le Soir, ne voir que le moment présent. Il faut passer en revue toutes les heures qui ont précédé celle que vous voulez exprimer.

Vous devez revivre toute la Journée qui vient de s'écouler. Vous devez conduire votre pensée jusqu'au moment aigu où la scène à son summum d'intensité et votre oeuvre, éclose au milieu de cette sorte d'évocation, pourra être digne du grand spectacle que vous avez voulu retracer.

Il est tellement vrai que chacun de nous mêle plus ou moins son cœur à ses interprétations de la nature que vous voyez combien vos esquisses différent entre elles. C'est donc votre âme qu'il faut de plus en plus révéler dans vos œuvres. Je vous donne les mêmes principes d'art; mais, si vous dégagez votre personnalité, vos travaux seront très variés et ne se ressembleront nullement entre eux. Je vous pousse à peindre selon votre manière de sentir et non la mienne.

Songez que l'œuvre qui révèle la plus petite part de personnalité vaut mieux que celle qui n'annonce qu'un immense talent banal.

Dégagez donc tout ce que renferme votre âme; plus vous tendrez vers ce but, plus vous vous sensibiliserez, plus votre oeuvre sera forte et originale.

RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS

(Faites par M. Carolus Duran en passant devant chaque esquisse.)

Ire esquisse. –Il faut qu'une œuvre repose sur une présentation pittoresque. Il ne suffit pas de peindre une vaste étendue, il faut que l'espace soit intéressant. Millet a peint des plaines et une charrue au premier plan. C'est. grand, c'est varié, c'est infini. Vous avez trop d'équivalences de quantités. Votre horizon est monotone, sa ligne doit tantôt s'accuser, tantôt disparaître. 

2e esquisse. Vous mettez deux amoureux au milieu d'un marais C'est froid, humide. Ce n'est pas le soir d'une belle et chaude journée. Il faut une unité de sensation.

3e esquisse. Assez curieuse, mais ce n'est pas le sujet demandé.

4e esquisse. C'est le soir dans Paris, aux lumières du gaz. C'est pittoresque sans poésie. 
5e esquisse. Allégorie. A moins d'une commande pour décoration, il faut laisser les symboles. C'est démodé, usé. Soyons modernes. Nous pouvons être à la fois très réels et très lyriques, Noua pouvons,  ayant une sensibilité nerveuse plus grande, peindre mieux le Soir qu'on ne l'eût fait au seizième siècle.

6e esquisse. Idem.

7e esquisse. Sensation intéressante, mais du petit côté. Il faut chercher le grand accent. Millet nous présente deux paysans priant au moment ou sonne l'Angélus du soir, C'est un grand poète.

8e esquisse. Il faut choisir Ou une grande portion de ciel ou une grande étendue de terre, selon qu'on met son effet dans le ciel ou sur la terre, selon qu'on rentre en soi-même ou qu'on en sort.

10e esquisse. Figure trop grande, soleil trop grand, enfants, nus, pourquoi ? Ils vont s'enrhumer et ils n'ajoutent rien à l'impression.

11e esquisse. C'est une vieille femme. Où est le soir là-dedans.

12e esquisse. Trop coloré, trop vert. Le soir tout s'éteint, tout se décolore. Il sort de la Nature à cette heure-là des voix mystérieuses. II faut les entendre et les répéter dans votre cœur.
 

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